« Nous allons vers un monde où il y aura de moins en moins de poneys sauvages… »
Michel Déon
Les Poneys sauvages, éditions Gallimard, 1970
Un projet de l'Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne
Nous menons un travail long et exigeant afin d'assurer la qualité des milliers de citations que nous vous proposons. Tout cela a un coût que vous pouvez nous aider à supporter en faisant un don.
« Nous allons vers un monde où il y aura de moins en moins de poneys sauvages… »
Michel Déon
Les Poneys sauvages, éditions Gallimard, 1970
« J’étais surtout irrité par l’incompréhension (et le mépris) du paysan chez Marx. Il a osé écrire que c’est “la classe qui représente la barbarie au sein de la civilisation” (Les Luttes de classes en France). C’est une sottise, on ne peut dire autrement. Il ignorait le monde des campagnes, en vrai citadin. Il ne pouvait comprendre, du coup, que ce sont les vertus paysannes – un capital de ténacité, de frugalité, de patience, accumulé depuis vingt-cinq ou trente siècles – qui ont permis de construire la société industrielle, qui l’ont mise en route. Elles s’y sont usées, d’ailleurs, et on voit assez comme elles manquent aujourd’hui : la vie urbaine les détruit.
Pour Marx, je pense, le paysan c’est l’isolement au lieu de l’échange, la résignation au lieu de la révolte. Mais cette résignation aux maux éternels (on n’a pas encore supprimé la guerre – ni les tremblements de terre ou la sécheresse) s’accompagne d’une lutte de chaque jour. Et le paysan n’est nullement un isolé dans la durée. C’est lui, le sédentaire, qui garde et transmet la sagesse du proverbe. Il est la mémoire de l’humanité par les contes et par les coutumes. »
Georges Laffly
Mes livres politiques, éditions Publications F.B, 1992
« Un peuple étant un complexe de rapports, d’attitudes, il y a une autre menace qui pèse sur lui, autre que la destruction physique, autre que la perte d’indépendance : c’est celle de la dissolution si les hommes ne se sentent plus membres d’un même corps, si le climat de confiance qui unit ces citoyens disparaît, si les symboles qu’ils ont en commun n’ont plus le même sens pour les uns et pour les autres, en un mot si l’existence morale du peuple disparaît. Et cette perte de l’existence morale n’est pas due à des causes extérieures et soudaines : elle est due à des phénomènes intérieurs et dissociateurs, qui sont des sous-produits du progrès. »
Bertrand de Jouvenel
Du Principat et autres réflexions politiques, 1958, éditions Hachette, 1972
« Le dépassement de notre système du monde est nécessaire et urgent. Ce dépassement appelle certainement celui de l’économie. Il appelle moins le retour du politique […] qu’il n’appelle le retour de sociétés humaines constituées, conscientes d’elles-mêmes, en charge de leur histoire et en quête de leur destin – des sociétés autonomes. Que les peuples retrouvent les moyens de faire leur histoire et de faire l’histoire, dans l’échange, dans la curiosité, dans la diversité qui est l’expression de la condition politique, et la mondialisation et l’économie redeviendront ce qu’elles ont été, de beaux outils à construire les châteaux de sable que la marée de l’histoire emporte comme elle veut et quand elle veut. »
Hervé Juvin
Le renversement du monde. Politique de la crise, éditions Gallimard, 2010
« Dans le domaine de la théorie économique, qui ne voit la similitude entre la théorie politique de Hobbes et la théorie économique libérale ? L’homme est réduit à sa double fonction de producteur et de consommateur. Dans sa relation aux autres, l’homo œconomicus ne vise qu’à maximiser son utilité, son intérêt individuel en dehors de toute considération de solidarité. La relation économique est à la fois concurrentielle et contractuelle. La concurrence pure, parfaite et non faussée est garantie par l’État et les Codes, civil et de commerce, en sont les normes.
Les principes de ces deux idéologies sont communs : les hommes sont de purs atomes, des monades leibnitziennes qui flottent quelque part dans le plasma inorganique de l’espace et du temps, hors-sol, interchangeables et équivalents, sans aucune détermination culturelle ou historique. »
Lionel Rondouin
Ce que nous sommes. Aux sources de l’identité européenne, Philippe Conrad dir., édition Institut Iliade / Pierre-Guillaume de Roux, 2018
« La déconstruction rejoint les franges les plus radicales de la philosophie libertarienne. L’homme devient entrepreneur de lui-même, selon la formule de Foucault, qui voyait dans les théories néolibérales du capital humain développées par l’école de Chicago (Gary Becker) l’équivalent du travail de destruction-déconstruction qu’il menait dans le champ philosophique : une promesse d’atomisation sociale, d’hybridation culturelle et d’indétermination identitaire. »
François Bousquet
Ce que nous sommes. Aux sources de l’identité européenne, éditions Pierre Guillaume de Roux, 2018
« Alors qu’est-ce que la déconstruction ? Pour le dire d’une phrase, c’est un geste iconoclaste de négation radicale, qui fomente la subversion de tout royaume, selon le mot de Derrida, de façon à ce qu’il n’y ait plus de foyer légitime ni du pouvoir ni du savoir. Pire : c’est le principe même de réalité qu’elle subvertit de fond en comble — ce qui fait d’elle une utopie au sens où elle ne reconnaît pas le réel — pour remplacer ce dernier par une expérience inédite d’ingénierie sociale. »
François Bousquet
Ce que nous sommes. Aux sources de l’identité européenne, éditions Pierre Guillaume de Roux, 2018
« Pendant près de quinze siècles, le christianisme a commandé l’imaginaire et les représentations des Européens. Il leur a fourni une morale, une vision de la mort et de l’au-delà en même temps que les cadres temporels de leur existence. C’est dans le récit biblique autant que dans la tradition troyenne que s’est inscrite l’image des rois de France. C’est à l’inverse avec le passé romain que renoue l’Empire chrétien carolingien, continué au siècle suivant par le Saint Empire romain germanique. C’est d’autre part contre l’ennemi musulman que se forge au nom du Christ, sur les fronts ibérique, méditerranéen et oriental l’identité européenne qui va s’affirmer à partir de l’an mil. »
Philippe Conrad
Ce que nous sommes. Aux sources de l’identité européenne, Philippe Conrad dir., édition Institut Iliade / Pierre-Guillaume de Roux, 2018
« Notre optimisme est un nihilisme : il décrète que ce monde ne vaut rien, puisque tout autre monde sera meilleur. Il n’y a pas d’hésitation à avoir, d’incertitude possible sur le sens de l’histoire : il faut choisir le changement par parti pris, parce qu’il va arriver et parce qu’il doit arriver. Une telle perspective refuse de considérer que nous ayons des biens qu’il faudrait prendre en compte dans un choix, un discernement à mener ; c’est donc supposer que nous n’avons rien à perdre — c’est supposer que nous n’avons rien du tout, en réalité. C’est ramener tout l’être au néant, en ne donnant de crédit qu’à ce qui n’est pas encore. »
François-Xavier Bellamy
Demeure. Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, Éditions Grasset, 2018
« Affirmer que ce qui existe doit exister, c’est évidemment une erreur de raisonnement ; mais le contraire d’une erreur n’est pas forcément une vérité : et en l’occurrence, affirmer de manière opposée que ce qui existe doit être remplacé, que l’innovation est forcément un bien — regarder l’histoire comme étant forcément l’occasion d’un progrès, c’est aussi une erreur de raisonnement, non moins absurde, et non moins dangereuse. »
François-Xavier Bellamy
Demeure. Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, Éditions Grasset, 2018
« La modernité est l’univers dans lequel le mouvement prend toute la place, à la fois comme un fait et comme une norme. Le mouvement est tout ce qui est, et tout ce qui doit être. Malheur à celui qui n’est pas assez mobile, pas assez souple et adaptable, pour se couler dans le flux : il constitue une objection vivante à ce monde nouveau, à ce monde du nouveau, qui ne lui pardonnera pas de rester comme un fossile encombrant au milieu de l’innovation triomphante. La modernité se caractérise par une immense colère contre ce qui ne se met pas à son rythme. »
François-Xavier Bellamy
Demeure. Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, Éditions Grasset, 2018
« Notre refus de la transmission a engendré ce qui ressemble parfois à une société d’enfants sauvages. Développement des incivilités, distension de tous les liens, consumérisme irresponsable, difficultés quotidiennes dans la vie en collectivité, échec de l’insertion sociale et de l’engagement citoyen, rupture du dialogue entre les générations, explosion de la délinquance… Partout, nous voyons l’homme “dégradé, insociable, grossier” — partout, nous voyons l’homme inhumain. Au cœur de nos pays “développés”, nous avons le sentiment de voir resurgir la barbarie. Et nous n’arrivons pas à nous l’expliquer. »
François-Xavier Bellamy
Les Déshérités ou l’urgence de transmettre, éditions Plon, 2014