« J’étais surtout irrité par l’incompréhension (et le mépris) du paysan chez Marx. Il a osé écrire que c’est “la classe qui représente la barbarie au sein de la civilisation” (Les Luttes de classes en France). C’est une sottise, on ne peut dire autrement. Il ignorait le monde des campagnes, en vrai citadin. Il ne pouvait comprendre, du coup, que ce sont les vertus paysannes – un capital de ténacité, de frugalité, de patience, accumulé depuis vingt-cinq ou trente siècles – qui ont permis de construire la société industrielle, qui l’ont mise en route. Elles s’y sont usées, d’ailleurs, et on voit assez comme elles manquent aujourd’hui : la vie urbaine les détruit.
Pour Marx, je pense, le paysan c’est l’isolement au lieu de l’échange, la résignation au lieu de la révolte. Mais cette résignation aux maux éternels (on n’a pas encore supprimé la guerre – ni les tremblements de terre ou la sécheresse) s’accompagne d’une lutte de chaque jour. Et le paysan n’est nullement un isolé dans la durée. C’est lui, le sédentaire, qui garde et transmet la sagesse du proverbe. Il est la mémoire de l’humanité par les contes et par les coutumes. »
Georges Laffly
Mes livres politiques, éditions Publications F.B, 1992