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Citations sur l'Europe

Pourquoi la civilisation européenne se renie-t-elle…

« Pour­quoi la civi­li­sa­tion euro­péenne, qui est le lieu par excel­lence de la haute culture, de l’évolution et de la beau­té, se renie-t-elle à ce point, craint de faire état de volon­té de puis­sance et fait mani­fes­te­ment tout pour se sui­ci­der ? C’est un nihi­lisme pro­fond qui est à l’œuvre ; un nihi­lisme enten­du comme une mala­die de l’esprit que les civi­li­sa­tions fati­guées, et trop cou­pées du natu­rel, attrapent. […] En termes de réponse et pour résu­mer briè­ve­ment, je crois qu’il faut se débar­ras­ser de la mora­line qui est son symp­tôme puru­lent, reve­nir au droit natu­rel, assai­nir nos modes de vie, et trou­ver de nou­veaux défis civi­li­sa­tion­nels exigeants. »

Julien Roche­dy
Entre­tien à Valeurs Actuelles, 19 décembre 2019

C’est vrai que la France, c’est le produit d’un superbe brassage…

« C’est vrai que la France, c’est le pro­duit d’un superbe bras­sage, sur fond de sauce gal­lo-romaine, de Francs, de Bur­gondes, de Vikings, de Wisi­goths, de Ger­mains, puis d’Alsaciens, de Basques, de Cata­lans, de Juifs d’Alsace et de Lor­raine et du Com­tat-Venais­sin, de Corses, de Fla­mands, de Bre­tons, de Pro­ven­çaux, d’Écossais, de Savoyards, d’Occitans, enfin d’Italiens, d’Espagnols, de Polo­nais, de Por­tu­gais, mais c’était l’Europe qui s’était invi­tée chez elle. Rien que l’Europe. Les voi­là, les Fran­çais de souche ! »

Jean Ras­pail
Le Camp des saints, édi­tions Robert Laf­font, 1973

Si la construction de l’Europe a un sens…

« Si la construc­tion de l’Europe a un sens, c’est prin­ci­pa­le­ment à condi­tion que l’Europe sache inven­ter une solu­tion ori­gi­nale au malaise de la socié­té de consom­ma­tion, en s’inspirant de son expé­rience et de ses tra­di­tions. […] La mis­sion de l’Europe est de construire les digues qui cana­li­se­ront la socié­té de consom­ma­tion. Nous avons besoin d’établir quelque pou­voir, à défaut de quelque dieu, au-des­sus des ingé­nieurs du monde moderne, au-des­sus de l’empire des stocks et des bilans. »

Mau­rice Bardèche
Sparte et les Sudistes, édi­tions Les Sept Cou­leurs, 1969

Pour moi le trésor du monde, c’est une infante de Velázquez…

« Pour moi le tré­sor du monde, c’est une infante de Veláz­quez, un opé­ra de Wag­ner ou une cathé­drale gothique. C’est un cal­vaire bre­ton ou une nécro­pole de Cham­pagne. C’est le roman­ce­ro du Cid ou le visage hugo­lien de « l’enfant grec ». C’est le tom­beau des Inva­lides ou le grand aigle de Schön­brunn, l’Alcazar de Tolède ou le Coli­sée de Rome, la tour de Londres ou celle de Gala­ta, le sang de Buda­pest ou le qua­drige orgueilleux de la porte de Bran­de­bourg, deve­nue le poste fron­tière de l’Europe muti­lée. (…) Frêle Gene­viève de Paris, patronne de l’Europe, seule contre les hordes de l’Est, tu sym­bo­lises notre esprit de résis­tance. Et toi, Alexandre, vain­queur blond au visage de dieu, Macé­do­nien aux dix mille fidèles, toi qui conquis le monde orien­tal avec ta foi et ton épée, debout dres­sé contre le des­tin et l’Histoire, tu sym­bo­li­se­ras peut-être un jour le triomphe de l’Europe impériale… »

Jean de Brem
Le tes­ta­ment d’un Euro­péen, édi­tions de La Table Ronde, 1964

Que l’européanité soit une réalité, cela se manifeste…

« Que l’européanité soit une réa­li­té, cela se mani­feste déjà au niveau pri­maire des sen­sa­tions. Au contact de l’altérité se per­çoit l’identité. Mais l’eu­ro­péa­ni­té est attes­tée aus­si par l’histoire et le carac­tère trans­na­tio­nal des grands faits de culture. Au-delà d’un art rupestre spé­ci­fique à toute l’Europe voi­ci déjà 30 000 ans, au-delà des pierres levées et des grands poèmes fon­da­teurs, ceux des Hel­lènes, des Ger­mains ou des Celtes, il n’y a pas une seule grande créa­tion col­lec­tive qui, ayant été vécue par l’un des peuples de l’ancien espace caro­lin­gien, n’a pas été vécue éga­le­ment par tous les autres. Tout grand mou­ve­ment né dans un pays d’Europe a trou­vé aus­si­tôt son équi­valent chez les peuples frères et nulle part ailleurs. À cela on mesure une com­mu­nau­té de culture et de tra­di­tion que ne peuvent démen­tir les conflits inter­éta­tiques. Les poèmes épiques, la che­va­le­rie, l’amour cour­tois, les liber­tés féo­dales, les croi­sades, l’émergence des villes, la révo­lu­tion gothique, la Renais­sance, la réforme et son contraire, l’expansion au-delà des mers, la nais­sance des États‑nations, le baroque pro­fane et reli­gieux, la poly­pho­nie musi­cale, les Lumières, le roman­tisme, l’univers faus­tien de la tech­nique ou l’éveil des natio­na­li­tés… En dépit d’une his­toire sou­vent dif­fé­rente, les Slaves de Rus­sie et des Bal­kans par­ti­cipent aus­si de cette euro­péa­ni­té. Oui, tous ces grands faits de culture sont com­muns aux Euro­péens et à eux seuls, jalon­nant la trame d’une civi­li­sa­tion aujourd’­hui détruite. »

Domi­nique Venner
His­toire et tra­di­tion des Euro­péens, Édi­tions du Rocher, 2002

Quelle malédiction a frappé l’Occident…

« Quelle malé­dic­tion a frap­pé l’Occident pour qu’au terme de son essor il ne pro­duise que ces hommes d’affaires, ces épi­ciers, ces com­bi­nards aux regards nuls et aux sou­rires atro­phiés, que l’on ren­contre par­tout, en Ita­lie comme en France, en Angle­terre de même qu’en Alle­magne ? Est-ce à ces dégé­né­rés que devait abou­tir une civi­li­sa­tion aus­si déli­cate, aus­si com­plexe ? Peut-être fal­lait-il en pas­ser par là, par l’abjection, pour pou­voir ima­gi­ner un autre genre d’hommes. »

Emil Cio­ran
His­toire et uto­pie, édi­tions Gal­li­mard, 1960

Notre Europe contemporaine, ce foyer d’un effort soudain…

« Notre Europe contem­po­raine, ce foyer d’un effort sou­dain et irré­flé­chi, pour mélan­ger radi­ca­le­ment les rangs et, par consé­quent, les races, est, par cela même, scep­tique du haut en bas de l’échelle, tan­tôt ani­mée de ce scep­ti­cisme noble qui, impa­tient et las­cif, saute d’une branche à l’autre, tan­tôt trou­blé et comme obs­cur­ci par un nuage de ques­tions — et par­fois las de sa volon­té à en mou­rir ! Para­ly­sie de la volon­té, où ne ren­contre-t-on pas aujourd’hui cette infirmité ! »

Frie­drich Nietzsche
Par-delà le bien et le mal – Pré­lude d’une phi­lo­so­phie de l’a­ve­nir (Jen­seits von Gut und Böse – Vor­spiel einer Phi­lo­so­phie der Zukunft), 1886, trad. Patrick Wot­ling, édi­tions Gar­nier-Flam­ma­rion, 2000

L’Occidental n’est que le rouage d’un système qui le broie…

« L’Occidental n’est que le rouage d’un sys­tème qui le broie. L’Européen, lui, est l’hé­ri­tier d’une civi­li­sa­tion trente fois mil­lé­naire qui va des fresques de Las­caux à la fusée Ariane, des poi­gnards de bronze aux chas­seurs Rafale. L’Européen est le frère de Faust et de Don Qui­chotte. Il a été peintre à Alta­mi­ra, musi­cien à Ver­sailles ; il a chan­té l’Odyssée et Beo­wulf ! Il a accla­mé Eschyle et Racine, il a bâti les cathé­drales gothiques et les cen­trales nucléaires ! Sa terre est faite de landes et de forêts, de rivières et de mon­tagnes, toutes bruis­santes de fées, de génies et de lutins ! Oui, je suis un Euro­péen, mieux un Vieil-Européen ! »

Chris­to­pher Gérard
Le Songe d’Empédocle, Édi­tions L’Âge d’Homme, 2003

L’Europe est une civilisation qui ne s’est pas fondée…

« […] L’intensification interne pré­cède et rend pos­sible l’emprunt exté­rieur, pour for­mu­ler ain­si ce qui consti­tue comme une loi du dyna­misme euro­péen. On parle de l’« impé­ria­lisme euro­péen », et l’on désigne par là un phé­no­mène qui est réel, ou qui l’a été. Mais l’expression occulte le fait fon­da­men­tal, lequel est celui qui a ren­du pos­sibles les inter­ven­tions outre-mer, à savoir que l’Europe est une civi­li­sa­tion qui ne s’est pas fon­dée sur la conquête exté­rieure, mais sur la conquête inté­rieure. L’Europe est fon­dée sur un tra­vail sur soi, et elle a com­men­cé par exploi­ter à fond les res­sources qui étaient dis­po­nibles en elle avant d’en emprun­ter ailleurs. »

Rémi Brague
Modé­ré­ment moderne, édi­tions Flam­ma­rion, 2014

Réaliser la décolonisation de l’Union européenne…

« Réa­li­ser la déco­lo­ni­sa­tion de l’Union euro­péenne contre l’entreprise mon­dia­liste est le pre­mier et l’immense tra­vail poli­tique qui vient. Tra­vail de retour à l’histoire et à la géo­gra­phie. Tra­vail de situa­tion de tout ce qui parle, affiche, publie, témoigne, influe : d’où vient-il, et de qui ? Tra­vail de sur­vie, qui appelle le tour de garde de sen­ti­nelles éveillées : que cha­cun donne son mot de passe, que cha­cun dise quel est son nom, d’où il vient et de qui, qui le paie et pour­quoi, nous n’avons plus le luxe de croire que les idées viennent de nulle part et que ceux qui parlent entendent seule­ment nous diver­tir. Tra­vail de repé­rage, de mesure, de détec­tion des cris­taux que char­rie la boue quo­ti­dienne de l’événement et de l’information. Tra­vail de détec­tion, de sélec­tion et de dis­cri­mi­na­tion, pour recon­naître les amis des enne­mis et veiller aux portes. »

Her­vé Juvin
Le ren­ver­se­ment du monde. Poli­tique de la crise, édi­tions Gal­li­mard, 2010

Affaiblissement d’un peuple ou d’une civilisation…

« Affai­blis­se­ment d’un peuple ou d’une civi­li­sa­tion résul­tant de causes endo­gènes, et ten­dant à lui faire perdre son iden­ti­té et sa créativité.
Les causes de la déca­dence sont presque par­tout les mêmes dans l’histoire : indi­vi­dua­lisme et hédo­nisme exces­sifs, amol­lis­se­ment des mœurs, égoïsme social, dévi­ri­li­sa­tion, mépris des valeurs héroïques, intel­lec­tua­li­sa­tion des élites, déclin de l’éducation popu­laire, détour­ne­ment ou aban­don de la spi­ri­tua­li­té et du sacré, etc.
D’autres causes sont fré­quentes : modi­fi­ca­tion du sub­strat eth­nique, dégé­né­res­cence des aris­to­cra­ties natu­relles, perte de la mémoire his­to­rique, oubli des valeurs fon­da­trices. La déca­dence sur­vient lorsque le sou­ci du main­tien dans l’histoire de la com­mu­nau­té-du-peuple s’estompe, lorsque les liens com­mu­nau­taires de soli­da­ri­té et de lignage s’affaiblissent. Pour résu­mer, on peut dire que la déca­dence voit des symp­tômes appa­rem­ment contraires se conju­guer : l’excessive intel­lec­tua­li­sa­tion des élites, de plus en plus cou­pées du réel, et la pri­mi­ti­vi­sa­tion du peuple. Panem et cir­censes
L’Europe connaît aujourd’hui une telle situa­tion. La plu­part du temps, la déca­dence est mal per­çue comme telle et refu­sée par ses contem­po­rains. Ceux qui la dénoncent sont assi­mi­lés à des pro­phètes de mal­heur. Les époques de déca­dence se parent sou­vent du masque de la renais­sance. Ces atti­tudes sont des com­por­te­ments de conju­ra­tion du réel, d’occultation des symp­tômes dans le but de rassurer.
Aucune déca­dence ne doit être consi­dé­rée comme irré­ver­sible. Il faut culti­ver l’optimisme tra­gique de Nietzsche. Paris-Mar­seille en un quart d’heure, c’est for­mi­dable ! Car vos fils et vos filles peuvent cre­ver, le grand pro­blème à résoudre sera tou­jours de trans­por­ter vos viandes à la vitesse de l’éclair. Que fuyez-vous donc, imbé­ciles ? Hélas, c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes”. »

Georges Ber­na­nos
La France contre les robots, 1946, édi­tions Robert Laf­font, 1947, Le Cas­tor Astral édi­teur, coll. Galaxie, 2017

Ce qui nous sépare des Américains…

« Le sur­gis­se­ment de ces socié­tés à la marge abo­lit le des­tin des socié­tés his­to­riques. En extra­po­lant bru­ta­le­ment leur essence outre-mer, ces der­nières perdent le contrôle de leur évo­lu­tion. Le modèle idéal qu’elles ont sécré­té les annule. Et jamais plus l’é­vo­lu­tion ne repren­dra sous forme d’a­li­gne­ment pro­gres­sif. Le moment, pour des valeurs jusque-là trans­cen­dantes, de leur réa­li­sa­tion, de leur pro­jec­tion ou de leur effon­dre­ment dans le réel (l’A­mé­rique) est un moment irré­ver­sible. C’est ce qui, quoi qu’il arrive, nous sépare des Amé­ri­cains. Nous ne les rat­tra­pe­rons jamais, et nous n’au­rons jamais cette can­deur. Nous ne fai­sons que les imi­ter, les paro­dier avec cin­quante ans de retard, et sans suc­cès d’ailleurs. Il nous manque l’âme et l’au­dace de ce qu’on pour­rait appe­ler le degré zéro d’une culture, la puis­sance de l’in­cul­ture. Nous avons beau nous adap­ter plus ou moins, cette vision du monde nous échap­pe­ra tou­jours, tout comme la Wel­tan­schauung trans­cen­dan­tale et his­to­rique de l’Europe échap­pe­ra tou­jours aux Américains. »

Jean Bau­drillard
Amé­rique, édi­tions Gras­set, 1986, Le Livre de Poche, coll. Biblio essais, 1988

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