« La nécessité d’un échange vital entre le sujet et l’objet domine notre idée du réalisme… Ce paysan est réaliste parce que sa connaissance, son amour et son travail de la terre procèdent d’un contact intime entre la terre et lui ; cet homme politique est réaliste parce que les lois qui régissent le fait social se reflètent fidèlement dans son esprit ; et les saints sont les plus grands réalistes parce qu’ils sont unis à la réalité suprême. Inversement, nos pensées, nos affections et nos actes sont entachés d’irréalisme lorsqu’ils ne sont pas nourris par un contact suffisant avec leur objet. Ce citadin qui s’enivre d’un « retour à la terre » comme d’une idylle ou d’une féerie, ce politicien qui croit qu’un changement d’institutions suffira à ramener sur terre l’âge d’or, ce faux mystique au rayonnement malsain sont irréalistes parce qu’ils n’ont pas de liens vitaux avec la nature, avec l’homme, ou avec Dieu, et qu’ils substituent leurs rêves à la vérité objective. »
Gustave Thibon
L’irréalisme moderne, in Les hommes de l’éternel : Conférences au grand public (1940−1985), éditions Mame, Coll. Raisons d’Être, 2012