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Citations sur la forêt

Réfugie-toi dans la solitude éternelle des choses…

« Doré­na­vant, fils, lorsque tu te sen­ti­ras le cœur trou­blé par des tris­tesses inté­rieures, réfu­gie-toi dans la soli­tude éter­nelle des choses. Les bois sur­tout sont tendres à l’homme. Dieu en a fait des asiles sacrés où la paix habite, et l’har­mo­nie du monde s’y révèle. »
L’a­na­cho­rète Pri­mel s’adressant au roi Gra­lon, après la sub­mer­sion d‘Ys.

Ana­tole Le Braz
Au pays des par­dons, H. Caillière Édi­teur, 1894

Tout ce que la nature a d’étrange et de grandiose…

« Nos monts Car­pathes ne res­semblent point aux mon­tagnes civi­li­sées de votre Occi­dent. Tout ce que la nature a d’é­trange et de gran­diose s’y pré­sente aux regards dans sa plus com­plète majes­té. Leurs cimes ora­geuses se perdent dans les nues, cou­vertes de neiges éter­nelles ; leurs immenses forêts de sapins se penchent sur le miroir poli de lacs pareils à des mers ; et ces lacs, jamais une nacelle ne les a sillon­nés, jamais le filet d’un pêcheur n’a trou­blé leur cris­tal, pro­fond comme l’a­zur du ciel ; la voix humaine y reten­tit à peine de temps en temps, fai­sant entendre un chant mol­dave auquel répondent les cris des ani­maux sau­vages : chant et cris vont éveiller quelque écho soli­taire, tout éton­né qu’une rumeur quel­conque lui ait appris sa propre exis­tence. Pen­dant bien des milles, on voyage sous les voûtes sombres de bois cou­pés par ces mer­veilles inat­ten­dues que la soli­tude nous révèle à chaque pas, et qui font pas­ser notre esprit de l’é­ton­ne­ment à l’ad­mi­ra­tion. Là le dan­ger est par­tout, et se com­pose de mille dan­gers dif­fé­rents ; mais on n’a pas le temps d’a­voir peur, tant ces dan­gers sont sublimes. Tan­tôt ce sont des cas­cades impro­vi­sées par la fonte des glaces, qui, bon­dis­sant de rochers en rochers, enva­hissent tout à coup l’é­troit sen­tier que vous sui­viez, sen­tier tra­cé par le pas­sage de la bête fauve et du chas­seur qui la pour­suit ; tan­tôt ce sont des arbres minés par le temps qui se détachent du sol et tombent avec un fra­cas ter­rible qui semble être celui d’un trem­ble­ment de terre ; tan­tôt enfin ce sont les oura­gans qui vous enve­loppent de nuages au milieu des­quels on voit jaillir, s’al­lon­ger et se tordre l’é­clair, pareil à un ser­pent de feu. »

Alexandre Dumas
La dame pâle, 1849, édi­tions Gal­li­mard, coll. Folio, 2020

Nos déesses, nos vertus lorraines…

« Je me livre aux immenses mou­ve­ments doux de la terre de Lor­raine, je contemple ses vil­lages égayés d’arbres à fruits, des petits bois de hêtres, de charmes et de chênes, je m’enivre de sa lumière douce et noble qui met sur les pre­miers plans des cou­leurs de mira­belle et, sur les loin­tains, un mys­tère d’opale, de jeu­nesse et de silence. Je dis­tingue dans la prai­rie les éphé­mères col­chiques vio­lets, dans la plaine les graves vil­lages sécu­laires et, sur l’horizon, nos déesses, nos ver­tus lor­raines, Pru­dence, Loyau­té, Finesse, qui sont des per­sonnes immortelles. »

Mau­rice Barrès
La grande pitié des églises de France, 1914, Émile-Paul Frères, Éditeurs

Le long, long sentier par les marécages et les forêts, qui l’a frayé ?

« Le long, long sen­tier par les maré­cages et les forêts, qui l’a frayé ? L’homme, l’être humain. Avant lui, pas de sen­tier. Après lui, de temps à autre, sur la lande et par les marais, un ani­mal sui­vit la faible trace et la mar­qua d’une empreinte plus nette. Des Lapons, flai­rant la piste du renne, com­men­cèrent ensuite à emprun­ter le sen­tier dans leurs courses de fjeld en fjeld. Ain­si naquit le sen­tier dans l’Almen­ning, le vaste ter­ri­toire qui n’ap­par­te­nait à per­sonne, le pays sans maître. »

Knut Ham­sun
L’Éveil de la glèbe (Mar­kens Grøde), 1917, trad. Jean Peti­thu­gue­nin, édi­tions Flam­ma­rion, 1937, édi­tions Cal­mann-Lévy, 1992, Le Livre de Poche Biblio, 1999, édi­tions ACE, 2023

Si le conte débute par la formule consacrée…

« Si le conte débute par la for­mule consa­crée il était une fois”, ce qui le place dans une tem­po­ra­li­té ima­gi­naire, il se garde bien de dire il était n’importe où” : com­ment se fait-il que nous recon­nais­sions d’emblée les pay­sages des contes comme étant nôtres ? Les héros se perdent en forêt ou sur la lande, tra­versent des fleuves et côtoient des étangs pois­son­neux, quittent leur pauvre chau­mière et par­viennent, par­fois, dans de somp­tueux palais. Autant de lieux qui, sans être jamais nom­més, nous sont fami­liers : Bro­cé­liande, la Sologne, les rives du Rhin, Chambord… »

Anne-Laure Blanc
Le conte, loin­taine mémoire et per­ma­nence vivante, 3e col­loque annuel de l’Institut Iliade, 18 mars 2017

Ce sont les témoins muet des âges disparus…

« Par­mi les rochers sans nombre qui cou­ronnent les Vosges et par­sèment leurs flancs, il y a, comme en Bre­tagne, des pierres qui parlent. Debout sur la crête nue des mon­tagnes ou sur la pente abrupte au milieu de vastes sapi­nières, ces men­hirs gigan­tesques dominent des océans de ver­dure. Ce sont les témoins muet des âges dis­pa­rus. Quand, par les nuits sombres, on approche l’oreille des fis­sures du grès cou­vert de mousse, on croit entendre des rires clairs ou des sou­pirs mélo­dieux s’échapper des entrailles de la pierre. Est-ce le vent qui joue dans les volutes de ces vieilles rocailles ? Est-ce le fré­mis­se­ment musi­cal des hautes branches d’un sapin sécu­laire ? Les filles du vil­lage vous diront que c’est la voix des fées qui révèlent le pas­sé et pré­disent l’ave­nir. »

Édouard Schu­ré
Les Légendes de l’Alsace – Pro­me­nades et Sou­ve­nirs, in Revue des Deux Mondes, tome 60, 1883

La Lothlórien est belle parce que les arbres y sont aimés…

« Je prends dans toutes mes œuvres le par­ti des arbres contre tous leurs enne­mis. La Lothló­rien est belle parce que les arbres y sont aimés ; ailleurs, les forêts appa­raissent en train de s’éveiller à leur propre conscience. La Vieille Forêt était hos­tile aux créa­tures à deux jambes en rai­son du sou­ve­nir de nom­breuses bles­sures. La forêt de Fan­gorn était ancienne et belle, mais à l’époque de cette his­toire, cris­pée par l’hostilité parce que la mena­çait un enne­mi aimant la machine. La Forêt Noire était tom­bée sous la domi­na­tion d’une Puis­sance qui détes­tait toutes les choses vivantes mais sa beau­té fut res­tau­rée et elle devint Vert­bois-le-Grand avant la fin de l’histoire. »

John Ronald Reuel Tolkien
Lettres (1981), n°339, édi­té par Hum­phrey Car­pen­ter et Chris­to­pher Tol­kien, trad. Del­phine Mar­tin et Vincent Fer­ré, Chris­tian Bour­gois édi­teur, 2005

Si un ragnarök brûlait tous les taudis…

« Ce n’est pas le non-humain (par ex. la météo) ni l’humain (même dans son pire aspect), mais le fait par l’humain qui est au final déses­pé­rant et insup­por­table. Si un ragnarök brû­lait tous les tau­dis et les usines à gaz, et les garages miteux, et les ban­lieues éclai­rées à la lampe à arc, il pour­rait brû­ler pour moi toutes les œuvres d’art – et je retour­ne­rais aux arbres ».

John Ronald Reuel Tolkien
Lettres (1981), n°83, édi­té par Hum­phrey Car­pen­ter et Chris­to­pher Tol­kien, trad. Del­phine Mar­tin et Vincent Fer­ré, Chris­tian Bour­gois édi­teur, 2005

L’automne, l’automne merveilleux…

« L’automne, l’automne mer­veilleux, mêlait son or et sa pourpre aux der­nières ver­dures res­tées vives, comme si des gouttes de soleil fon­du avaient cou­lé du ciel dans l’épaisseur des bois. »

Guy de Maupassant
Un Nor­mand, in Contes de la bécasse, 1883, Vic­tor Havard édi­teur, 1894

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