« Pour en venir, si je le puis, à la “touche personnelle” et à la question de mon point de départ. C’est un peu comme de demander quand le langage est apparu chez l’Homme. C’était une évolution inévitable, quoique liée aux circonstances, de celui qui naît. Je les ai toujours eus : cette sensibilité aux structures linguistiques qui affectent mes émotions comme la couleur ou la musique ; cet amour passionné pour les choses qui grandissent ; et cette profonde réceptivité aux légendes (à défaut d’un meilleur terme) possédant ce que j’appelle le tempérament et l’atmosphère du nord-ouest. En tout cas, si vous désirez écrire un récit de ce genre, vous devez prendre en compte vos racines, et un homme du nord-ouest du Vieux Monde placera son cœur et l’action de son récit dans un monde imaginaire avec cette atmosphère et cette situation : avec à l’ouest la Mer sans Rivages, celle de ses innombrables ancêtres, et à l’est les terres sans fin (d’où proviennent essentiellement les ennemis). Bien que, en outre, son cœur puisse se rappeler, même s’il a été coupé de toute tradition orale, la rumeur qui court le long des côtes au sujet des Hommes venus de la Mer. »
John Ronald Reuel Tolkien
Lettres (1981), n°163, édité par Humphrey Carpenter et Christopher Tolkien, trad. Delphine Martin et Vincent Ferré, Christian Bourgois éditeur, 2005