« Dans les faits, plus la prétention de l’économie à sortir de la maison pour devenir mondiale se traduit par des normes, des règles et des formes uniques, plus la réalité s’en éloigne, plus la vérité s’enfuit comme du sable entre les doigts de ceux qui savent bien que les règles et les formes sont tout ce dont la vie s’échappe. […] Vu depuis le monde qui vient, notre système du monde est d’abord caractérisé par la naïveté de la raison, qui le conduit à balayer ce qu’il ne comprend pas, à considérer insignifiant et même inexistant ce qu’il n’explique pas, même si des siècles ou des millénaires l’ont validé, comme si ce qui paraît ne pas avoir de sens ne faisait pas sens. Croire que ce qui est bon pour nous l’est pour les autres aboutit à promettre à ceux qui ne l’ont pas vécue qu’ils pourront reproduire la singulière aventure de l’Europe et de l’Occident : le simple bon sens suffit pour sentir la vanité, plus encore, la faute de cette promesse. »
Hervé Juvin
Le renversement du monde. Politique de la crise, éditions Gallimard, 2010