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Citations sur la nostalgie
L’idée que les choses iront nécessairement mieux demain…
« L’idée que les choses iront nécessairement mieux demain a déserté les classes populaires, qui ont aujourd’hui le sentiment d’être les grandes sacrifiées du mouvement général des choses. Elles sont donc devenues objectivement conservatrices et nostalgiques du passé. Les électeurs du Front national d’aujourd’hui sont des déçus de l’État-providence d’hier. »
Jacques Julliard
« Pourquoi la gauche s’effondre », Éléments n°159, mars 2016
Où est-elle donc passée, cette plaisante culture de l’art de vivre ?…
« Où est-elle donc passée, cette plaisante culture de l’art de vivre ? Cette existence fondée sur une acceptation joyeuse de la vie ? Disparue ! Disparue, et peut-être à jamais. »
Ernst Jünger
Carnets de guerre : 1914 – 1918, trad. Julien Hervier, Christian Bourgois Editeur, 2014
La volonté de restaurer le passé…
« La volonté de restaurer le passé, quand bien même elle peut être touchante, est fondamentalement impolitique : cela n’arrivera pas, et s’accrocher à ce rêve est vain. En revanche, les valeurs héritées du passé, les structures mentales, les manières de penser l’homme et la société qui ont été propres au monde féodal peuvent nous inspirer. »
Guillaume Travers
Entretien au site La Droite de demain, 15 février 2021
Les descendants des anciens preux, les dernières branches…
« Plus que ces douairières, les hommes rassemblés autour d’un whist, se révélaient ainsi que des êtres immuables et nuls ; là, les descendants des anciens preux, les dernières branches des races féodales, apparurent à des Esseintes sous les traits de vieillards catarrheux et maniaques, rabâchant d’insipides discours, de centenaires phrases. De même que dans la tige coupée d’une fougère, une fleur de lis semblait seule empreinte dans la pulpe ramollie de ces vieux crânes.
Une indicible pitié vint au jeune homme pour ces momies ensevelies dans leurs hypogées pompadour à boiseries et à rocailles, pour ces maussades lendores qui vivaient, l’œil constamment fixé sur un vague Chanaan, sur une imaginaire Palestine. »
Joris Karl Huysmans
À Rebours, 1884, éditions Gallimard, coll. Folio classique, 1977
Sybille pense qu’il faut cesser de s’accrocher au passé…
« Sybille pense qu’il faut cesser de s’accrocher au passé, mais Clarisse croit au contraire que rien n’est irréparable, qu’il suffit de retisser la toile pour retrouver les harmonies oubliées, de ravauder l’étoffe ancienne pour que le soleil revienne. »
Erik L’Homme
Un peu de nuit en plein jour, éditions Calmann-Lévy, 2019
Cet homme, élancé, beau, vêtu de sa tunique grise râpée…
« Cet homme, élancé, beau, vêtu de sa tunique grise râpée, descendant en pèlerin les flancs de la montagne, la clarté de ses yeux gris débordant d’éclat et d’une nostalgie sûre de son objet, était Zarathustra descendant des hauteurs, ou bien le Pèlerin de Goethe. Le soleil jouait dans la fine poussière de craie que ses pieds et les nôtres soulevaient, et la lumineuse roche du chemin semblait sonner sous ses semelles… »
Walter Flex
Le pèlerin entre deux mondes (Der Wanderer zwischen beiden Welten), 1916, trad. Philippe Marcq, éditions ACE, 2020
Pourquoi est-ce toute la beauté de la vie qui saisit…
« Pourquoi est-ce toute la beauté de la vie qui saisit, au lieu que ce soit nous qui la saisissions ? Hélas, de même que l’homme est poussière et redeviendra poussière, toute beauté est nostalgie et redevient nostalgie. Nous la poursuivons jusqu’à ce qu’elle devienne nostalgie. »
Walter Flex
Le pèlerin entre deux mondes (Der Wanderer zwischen beiden Welten), 1916, trad. Philippe Marcq, éditions ACE, 2020
Le soir de Noël…
« Le soir de Noël, des éclats sombres traversaient le regard des légionnaires. Nous les sentions parfois démunis, plus silencieux qu’à l’accoutumée, retenus par le souvenir d’un berceau, d’une main maternelle qui s’approche pour calmer la fièvre d’un enfant ou par les cheveux déployés d’un amour laissé au loin.
Lorsque les hommes tombaient au combat, il fallait rassembler leurs affaires et prévenir leur famille. J’ai fait à cette occasion des découvertes que je garde précieusement en moi. Personne ne viendra les déranger. Elles mourront avec moi. Seul le silence est digne de certaines tragédies. »
Hélie Denoix de Saint Marc
Toute une vie, éditions les arènes, 2004
Rappeler à l’existence la mentalité aristocratique…
« L’enjeu : rappeler à l’existence la mentalité aristocratique, ressusciter l’esprit de la vieille Europe. Il ne s’agit pas d’un retour en arrière. Il ne s’agit pas de réanimer artificiellement des choses mortes. Mais de reprendre conscience d’un héritage pour le recréer sous des formes nouvelles. »
Louis Pauwels
Comment devient-on ce que l’on est ?, éditions Stock, 1978
Rien, jamais, en effet ne remplacera le compagnon perdu…
« Peu à peu nous découvrons que le rire clair de celui-là nous ne l’entendrons plus jamais, nous découvrons que ce jardin-là nous est interdit pour toujours. Alors commence notre deuil véritable qui n’est point déchirant mais un peu amer.
Rien, jamais, en effet ne remplacera le compagnon perdu. On ne se crée point de vieux camarades. Rien ne vaut le trésor de tant de mauvaises heures vécues ensemble, de tant de brouilles, de réconciliations, de mouvements de cœur. On ne reconstruit point ces amitiés-là. Il est vain si l’on plante un chêne, d’espérer s’abriter bientôt sous son feuillage.
Ainsi va la vie. Nous nous sommes enrichis d’abord, nous avons planté pendant des années, mais viennent les années où le temps défait ce travail et déboise. Les camarades, un à un, nous retirent leur ombre. Et à nos deuils se mêle désormais le regret secret de vieillir. »
Antoine de Saint-Exupéry
Terre des hommes, éditions Gallimard, 1939
Notre expérience du temps et de notre existence dans le temps…
« Notre expérience du temps et de notre existence dans le temps est centrée sur le présent. En quoi est-ce nouveau ? Que le présent soit le centre et les deux autres dimensions, passé et avenir, la périphérie, c’est une image qui n’est pas d’aujourd’hui. Lorsqu’il veut opposer le « maintenant » à ces deux autres dimensions, Aristote les appelle « le temps qui entoure » (perix). Par ailleurs, que le présent soit le temps de l’action, le seul dont nous disposions, c’est aussi une constatation qui remonte à l’Antiquité. Un célèbre fragment d’Aristippe de Cyrène le rappelait déjà : « Seul le présent est à nous, et non pas ce qui nous devance, ni non plus ce qui est attendu : l’un a disparu, et de l’autre, il est incertain s’il sera ». Des stoïciens comme Sénèque et Marc Aurèle nous ont laissé des observations analogues. Cependant, il s’agissait pour les Anciens de museler l’intérêt excessif pour le passé et l’avenir, objets de nostalgie ou d’anticipation, pour ramener à l’exigence d’agir. Notre problème à nous est au contraire un désintérêt pour le passé comme pour l’avenir. »
Rémi Brague
Modérément moderne, éditions Flammarion, 2014
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