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Citations sur l'esprit

Voici 8 000 ans commençait pour nous l’aventure néolithique…

« Voi­ci 8 000 ans com­men­çait pour nous l’aventure néo­li­thique. Je l’appelais révo­lu­tion parce que j’y dis­cer­nais l’apparition d’un état d’esprit nou­veau. La volon­té y tenait la pre­mière place et elle n’allait pas ces­ser de domi­ner notre monde, jusqu’à l’avènement des idées sui­ci­daires aujourd’hui à la mode. Pas­ser de la cueillette et de la chasse à l’agriculture et à l’élevage repré­sente un bond en avant pro­di­gieux. En un sens, dans cette plaine nor­dique si cruelle aux pay­sans aux prises avec un cli­mat impi­toyable, c’était un défi qui rejoi­gnait la légende hel­lène de Pro­mé­thée déro­bant le feu aux dieux. »

Jean Mabire
Thu­lé : le soleil retrou­vé des Hyper­bo­réens, édi­tions Robert Laf­font, 1978, édi­tions Par­dès, 2002

La jeunesse n’est pas une période de la vie…

« La jeu­nesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volon­té, une qua­li­té de l’imagination, une inten­si­té émo­tive, une vic­toire du cou­rage sur la timi­di­té, du goût de l’aventure sur l’amour du confort. On ne devient pas vieux pour avoir vécu un cer­tain nombre d’années : on devient vieux parce qu’on a déser­té son idéal. »

Géné­ral Dou­glas MacArthur
Être jeune, 1945

La pertinence est la règle de base de l’apprentissage…

« La per­ti­nence (per­ti­nere : « appar­te­nir à », « être dans le sujet ») est la règle de base de l’apprentissage du savoir. Il est indis­pen­sable d’être d’abord per­ti­nent dans toutes les matières abor­dées. Mais lorsque la crise déborde et frappe d’inanité ces modestes sapiences – modestes par leur faible enver­gure et pro­fon­deur, mais ter­ri­ble­ment immo­destes par leur volon­té d’hégémonie – le recours à l’impertinence est une sagesse rebelle qui ouvri­ra de nou­velles pers­pec­tives, lève­ra les grilles de nos pri­sons idéo­lo­giques. »

Jacques Mar­laud
Inter­pel­la­tions – Ques­tion­ne­ments méta­po­li­tiques, édi­tions Dual­pha, 2004

Renée de Vincay avait toujours bénéficié d’une réputation…

« Renée de Vin­cay avait tou­jours béné­fi­cié d’une répu­ta­tion d’intel­li­gence. Cette répu­ta­tion venait de ce qu’elle se mêlait aux conver­sa­tions des hommes et non sans inso­lence. N’importe quoi, débi­té avec assu­rance pre­nait un petit air de véri­té dans la bouche d’une très jeune femme, très décol­le­tée. Moins jeune et non moins décol­le­tée, l’esprit n’était plus le même. Heu­reu­se­ment pour Renée, l’habitude crée l’assurance, et bien qu’elle n’eût plus une coquet­te­rie directe à l’égard des mâles, elle conser­vait l’aplomb de sa ving­tième année pour pré­sen­ter ses meilleures inepties. »

Roger Nimier
Les enfants tristes, 1951, édi­tions Gal­li­mard, coll. Folio, 1983

On reconnaît les grandes époques à ceci…

« On recon­naît les grandes époques à ceci, que la puis­sance de l’esprit y est visible et son action tou­jours pré­sente. Il en était ain­si de ce pays ; dans le dérou­le­ment des sai­sons, dans le ser­vice des dieux et dans la vie humaine, aucune fête n’était conce­vable sans poé­sie. Mais le poète avait sur­tout durant les fêtes des morts, après la consé­cra­tion du cadavre, la fonc­tion de juge des morts. C’est à lui qu’il appar­te­nait de jeter sur l’existence du dis­pa­ru le regard des dieux et de la célé­brer dans le poème comme le plon­geur dégage la perle hors du coquillage. Dès les ori­gines il exis­tait deux degrés dans l’honneur funèbre, dont le plus usi­té était l’élé­geion. L’élé­géion était comme l’offrande qu’il conve­nait d’apporter à une vie hon­nê­te­ment pas­sée dans l’amertume et la joie mêlées, telle qu’elle nous est échue à nous autres hommes. »

Ernst Jün­ger
Sur les falaises de marbre (Auf den Mar­mork­lip­pen) 1939, trad. Hen­ri Tho­mas, édi­tions Gal­li­mard 1942, coll. L’I­ma­gi­naire, 2017

Si un jour l’humanité revenait à des conditions plus normales…

« Si un jour l’humanité reve­nait à des condi­tions plus nor­males, peu de cultures lui sem­ble­ront aus­si sin­gu­lières que l’actuelle, dans laquelle on a cou­ru après toute forme de pou­voir et de domi­na­tion de la matière, négli­geant cepen­dant la domi­na­tion de l’esprit, des émo­tions et de la vie psy­chique en géné­ral. C’est ain­si que beau­coup de nos contem­po­rains – les soi-disant hommes d’action en pre­mière ligne – res­semblent à ces crus­ta­cés qui sont si durs et pleins d’excroissances sca­breuses sur la cara­pace et si mous et inver­té­brés à l’intérieur. »

Julius Evo­la
La Doc­trine de l’Éveil (La dotri­na del Ris­ve­glio – Sag­gio sull’ascesi bud­dis­ta), 2e édi­tion, 1965

L’alpinisme nous permet de fonder un homme complet…

« Je pour­suis un autre che­min, en alti­tude, ma mys­tique s’émerveille des vrais chefs d’œuvre et s’étonne de pou­voir regar­der, entendre, sen­tir la nature. Vous avez lais­sé votre intel­li­gence, ce tyran stu­pide, tirer un épais rideau devant vos yeux, vous ne pou­vez donc pas voir que vous êtes entou­rés de vraies mer­veilles. Vous avez lais­sé cette com­pagne impor­tune dire quelques mots futiles au sujet des mys­tères du monde, vous croyez donc en être arri­vés à domi­ner tout mys­tère, vous croyez les avoir réso­lus scien­ti­fi­que­ment, selon des lois et vous êtes fiers, espèces de fous, de ne plus vous éton­ner de rien. Vous ne pres­sen­tez même pas que vous pos­sé­dez les clefs qui vous per­met­tront de déchif­frer ces mil­lions de runes, les plus fines impres­sions, les mil­liers de sen­ti­ments dif­fé­rents de votre cœur. Si vous vous entraî­nez à retrou­ver sans cesse ce pou­voir d’émer­veille­ment, à obéir en vous aux impres­sions les plus légères et les plus nuan­cées, à ampli­fier les sons, comme si vous aviez un micro­phone, et à vous éle­ver de l’obscurité à la lumière, — alors vous par­vien­drez à l’âme des choses et vous pour­rez écou­ter la parole de Dieu. Mais tous les concepts géné­raux, tout le pauvre voca­bu­laire avec lequel l’intelligence humaine bor­née croit appré­hen­der l’inépuisable uni­vers, vous devez les fou­ler au pied avec mépris. Chaque vision, chaque vue dif­fé­rente de la mon­tagne, chaque petite plante, chaque coup d’aile du chou­cas, chaque regard humain, le silence sacré de ce lever de soleil sur le col du Mönch, vous devez les res­sen­tir comme quelque chose d’unique, comme quelque chose qui n’a jamais exis­té aupa­ra­vant, comme un miracle inouï, et vous lais­ser impré­gner de leurs par­ti­cu­la­ri­tés. Alors votre vie ne sera plus qu’une chaîne de révé­la­tions et vous vous serez méta­mor­pho­sés en enfants naïfs, en dieux grecs.
De nou­veau un autre monde, atten­du avec curio­si­té. Nous n’avons pas la sur­prise de décou­vrir des hori­zons loin­tains ; nous sommes au contraire à l’entrée du petit jar­din enchan­té de Laurin. […]
Voi­là ce que j’ai trou­vé pour la pre­mière fois dans la mon­tagne et ce que je cherche désor­mais en connais­sance de cause : l’unité infi­nie et l’harmonie des forces et des élé­ments de la nature, tout comme l’harmonie des forces, des pul­sions, des sen­ti­ments de mon moi pro­fond et l’harmonie de ces deux ensembles l’un envers l’autre. Pen­dant que notre civi­li­sa­tion accul­tu­rée dis­perse et dés­unit tout, c’est en mon­tagne, dans cette vaste nature qui aspire au divin, que chaque indi­vi­dua­li­té peut se fondre dans le cos­mos. Ce n’est pas une petite har­mo­nie super­fi­cielle, à trois sous. Les pics les plus bizarres, les pré­ci­pices les plus affreux, les hur­le­ments de la tem­pête, les ava­lanches des­truc­trices se mêlent en une par­faite uni­té avec le plus doux des rayons de soleil, le plus léger voile de brume, l’insecte minus­cule, la fleur qui brille en silence sur le rocher. […]
L’alpinisme nous per­met de fon­der un homme com­plet, il nous sort de l’arbitraire bar­bare pour nous éle­ver vers une har­mo­nie sœur de l’harmonie grecque. Pen­dant près de deux mil­lé­naires, le corps a été offi­ciel­le­ment mépri­sé et assu­jet­ti comme un prin­cipe mau­vais, la pen­sée mona­cale avait dis­so­cié le corps et l’esprit. Nous qui vou­lons être à la pointe de la moder­ni­té, nous sommes reve­nus bien en deçà, nous sommes joyeux d’appartenir à la terre. Nous pou­vons de nou­veau, comme les Grecs ingé­nus, nous réjouir ouver­te­ment de la beau­té phy­sique et de l’action impétueuse. »

Eugen Gui­do Lammer
Jung­born (Fon­taine de Jou­vence), 1922, trad. Anne-Laure Blanc (non édi­tée), selon l’édition Rother Ver­lag de 1935

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