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En tant que principe éternel, le conservatisme…

« En tant que prin­cipe éter­nel, le conser­va­tisme exige qu’en déci­dant des des­ti­nées des socié­tés, des États et des cultures, l’on écoute non seule­ment la voix des vivants, mais encore celle des morts, que l’on recon­naisse non seule­ment l’être réel du pré­sent, mais encore celui du pas­sé, que la liai­son avec nos défunts ne soit pas tranchée. »

Nico­las Berdiaev
De l’inégalité, édi­tions L’Âge d’homme, 2008

L’aristocratisme (car il s’agit bien de cela : ce qui s’oppose à l’égalitarisation…

« L’aristocratisme (car il s’agit bien de cela : ce qui s’oppose à l’égalitarisation, ce qui s’oppose à la table rase) appar­tient au fond immé­mo­rial des vieux peuples d’Europe. L’aristocratisme : le sens des dif­fé­rences et des enra­ci­ne­ments, enra­ci­ne­ments de chaque homme dans une his­toire qui lui est propre, de chaque peuple dans une culture, et de chaque culture dans une men­ta­li­té. Le sens des consti­tu­tions men­tales spé­ci­fiques. Une cer­taine vision autre de la vie, de l’homme, du monde, du des­tin, ins­crite de manière indé­lé­bile dans les tra­di­tions et dans les struc­tures men­tales des peuples issus de l’Antiquité et de la branche indo-euro­péenne de l’humanité. »

Louis Pau­wels
Com­ment devient-on ce que l’on est ?, édi­tions Stock, 1978

Et pourtant, je crois que la religion ne mourra pas…

« Et pour­tant, je crois que la reli­gion ne mour­ra pas, ne peut pas mou­rir. Je pense que l’homme est, de tout éter­ni­té, un ani­mal reli­gieux, qui chaque fois retrouve son enra­ci­ne­ment dans le sacré, rebâ­tit ses temples, recons­ti­tue ses rites, selon les arché­types uni­ver­sels qui prennent des formes diverses à tra­vers les peuples, les époques, les cultures. Après deux mille ans, en Occi­dent, il fal­lait peut-être que l’Église s’évanouisse dans cette pes­ti­lence pour que, dans un affron­te­ment ultime des men­ta­li­tés, notre plus vieux pas­sé, notre pas­sé réel­le­ment fon­da­men­tal et ini­tia­teur, l’hellénique, nous réapparaisse. »

Louis Pau­wels
Com­ment devient-on ce que l’on est ?, édi­tions Stock, 1978

Pour préserver leur existence et leur identité, les hommes doivent aimer…

« Pour pré­ser­ver leur exis­tence et leur iden­ti­té, les hommes doivent aimer leurs familles et leurs peuples, et leur être loyaux. Et c’est seule­ment s’ils pensent que ce qu’ils ont est bon qu’ils peuvent s’en satis­faire. Un père doit pré­fé­rer son enfant aux autres enfants, un citoyen son pays aux autres. C’est pour cela qu’existent les mythes : pour jus­ti­fier ces atta­che­ments. Et un homme a besoin d’un lieu et d’o­pi­nions pour s’o­rien­ter. Tous ceux qui nous parlent de l’im­por­tance des racines l’ad­mettent. Une grande étroi­tesse n’est pas incom­pa­tible avec la san­té d’un indi­vi­du ou d’un peuple, alors qu’a­vec une grande ouver­ture d’es­prit, il est dif­fi­cile d’é­vi­ter la décomposition. »

Allan Bloom
L’Âme désar­mée, édi­tions Jul­liard, 1987

La vérité du conservatisme est celle de l’historisme…

« La véri­té du conser­va­tisme est celle de l’his­to­risme, celle du sen­ti­ment de la réa­li­té his­to­rique, entiè­re­ment atro­phiée chez le révo­lu­tion­naire et chez le radi­cal. Nier la suc­ces­sion his­to­rique, c’est reje­ter et détruire la réa­li­té his­to­rique, c’est vou­loir igno­rer l’or­ga­nisme his­to­rique vivant, c’est atten­ter à l’être réel ; cela revient à nier et à détruire l’hé­ré­di­té per­son­nelle du moi. La réa­li­té his­to­rique repré­sente un indi­vi­du d’un type par­ti­cu­lier. Elle a une durée orga­nique, ain­si que des degrés hié­rar­chiques. Détruire la struc­ture hié­rar­chique du cos­mos his­to­rique, c’est détruire l’his­toire, et non pas la faire. Il se forme dans le cos­mos his­to­rique des qua­li­tés qui sont irré­duc­tibles et indes­truc­tibles dans leur fon­de­ment onto­lo­gique. Cette hié­rar­chie des qua­li­tés fixées dans l’his­toire ne doit pas faire obs­tacle à la for­ma­tion de qua­li­tés nou­velles, elle ne doit pas bri­der l’é­lan créa­teur. Mais aucun mou­ve­ment, aucune for­ma­tion de qua­li­tés nou­velles ne peuvent anéan­tir ni effa­cer les valeurs et les qua­li­tés his­to­riques déjà cristallisées. »

Nico­las Berdiaev
De l’inégalité, édi­tions L’Âge d’homme, 2008

Mais quelle Europe ? C’est pourtant en réfléchissant sur l’Europe…

« Mais quelle Europe ? C’est pour­tant en réflé­chis­sant sur l’Europe que nous pour­rions accé­der au plus haut point de vue d’où nous serait dévoi­lé dans tout ce qui se passe” un unique enjeu. Je ne parle pas de l’Europe des mar­chés ou de l’Europe des masses. Je parle des tra­di­tions fon­da­men­tales de l’esprit euro­péen. Je parle du réveil de la vieille men­ta­li­té euro­péenne, tou­jours pré­sente en nous por­tant. Car l’homme est ceci et cela, mais d’abord du temps lié. Je parle de la vieille recréa­tion, sous des formes nou­velles, du vieil esprit de l’Europe, pro­mé­théen et aris­to­cra­tique. Pro­mé­théen : la volon­té de puis­sance de l’homme sur la nature. Aris­to­cra­tique : recon­naître et culti­ver dans les hommes leur capa­ci­té à se dis­tin­guer les uns des autres. Vieil esprit pour lequel chif­frer n’est pas tout, et pour lequel le nombre n’est pas le chef. Vieil esprit pour lequel il y a quelque chose au-des­sus du social, de l’économique, du quan­ti­ta­tif : la facul­té déli­cate, les hautes éner­gies intimes qu’il faut pour sen­tir et pour célé­brer la qua­li­té. Vieil esprit immor­tel qui voit dans les plus pro­fonds enra­ci­ne­ments la condi­tion de la plus haute élé­va­tion, dans la dis­pa­ri­té des natures humaines la condi­tion de l’humanité orga­nique, dans la diver­si­té des cultures la condi­tion de la culture. Je dis que notre fonds est à repen­ser. Res­sai­sir le pas­sé de l’Europe, notre héri­tage, et l’adapter au nou­veau mil­lé­naire qui approche. Rien ne me paraît plus impor­tant que la réflexion sur ce qu’il y a de spé­ci­fique dans l’esprit euro­péen. Il y a bien, pour moi, un unique enjeu. Recréer le monde men­tal euro­péen qui s’oppose à la fois au com­mu­nisme et à l’américanisme. Et en refaire le pre­mier parce qu’il fut le primordial. »

Louis Pau­wels
Com­ment devient-on ce que l’on est ?, édi­tions Stock, 1978

La termitière future m’épouvante…

« La ter­mi­tière future m’é­pou­vante. Et je hais leur ver­tu de robots. Moi, j’é­tais fait pour être jardinier. »

Antoine de Saint-Exupéry
Lettre à Pierre Dal­loz, 30 juillet 1944

Une idée vraie, c’est une idée véritable…

« Une idée vraie, c’est une idée véri­table. Une idée vraie est une idée que les faits de la vie ou confessent ou confirment. Elle ne conduit pas néces­sai­re­ment au réel, mais elle écarte l’im­pos­sible, c’est-à-dire une des formes les plus cho­quantes de l’ir­réel. Une idée vraie ne garde de l’ir­réa­li­té que ce qui est com­pa­tible avec le jeu natu­rel des forces du monde. La véri­té est la grande dis­ci­pline de l’art. »

Charles Maur­ras
L’ordre et le désordre (1945−1950), Édi­tions de L’Herne, 2007

La vie n’est qu’un moyen…

« La vie de l’individu ne peut être regar­dée comme un phé­no­mène du temps, mais elle est éter­nelle comme la vie même. Celui qui vit véri­ta­ble­ment pour un but éter­nel, celui-là, dis-je, ne peut jamais mou­rir : car la vie elle-même est immor­telle.
Ain­si, sous ce point de vue, la vie tem­po­relle et sa conser­va­tion ne peuvent jamais être un but ; la vie n’est qu’un moyen ; mais par le but qui lui est pro­po­sé, et comme phé­no­mène de la vie même, elle est éter­nelle indé­pen­dam­ment du libre arbitre. »

Johann Got­tlieb Fichte
De l’i­dée d’une guerre légi­time. Trois leçons faites à Ber­lin en mai 1813, trad. M. Lor­tet, Louis Babeuf édi­teur, 1831.

Je n’ai plus de boussole morale…

« (…) comme des mil­lions de mes contem­po­rains, je n’ai plus de bous­sole morale depuis qu’on me jure de tous côtés que Dieu n’existe pas ou n’est plus qu’un ali­bi de ceci ou de cela. Com­ment vou­lez-vous que je m’y retrouve ? Com­ment vou­lez-vous que je me sou­mette à l’ordre si rien ne le fonde et que j’ad­mire le chaos si rien n’en sort ? Com­ment vou­lez-vous que j’ad­mire soit la sta­tuaire nazie et la pein­ture sta­li­nienne, soit les déjec­tions de l’art contem­po­rain ? En fait, je serais très heu­reux qu’il exis­tât une norme (afin de m’of­frir – comme tout le monde — les plai­sirs de la vio­ler) mais sur quoi la bâtir ? Mal­raux a cer­tai­ne­ment dû dire, en cher­chant bien, qu’une civi­li­sa­tion meurt lorsque meurent ses Dieux. »

Jean Cau
L’a­go­nie de la vieille, édi­tions de La Table ronde, coll. La table Ronde de com­bat, Les brû­lots n°15, 1970

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