« Plus terrifiant que le bruit des bottes, le silence des pantoufles. »
Max Frisch
Cité par Maxime Dalle in Eléments, n°170, 2018
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« Plus terrifiant que le bruit des bottes, le silence des pantoufles. »
Max Frisch
Cité par Maxime Dalle in Eléments, n°170, 2018
« On pourrait opposer à l’Œdipe de Freud le Télémaque d’Homère et inventer un nouveau syndrome appuyé sur les retrouvailles au lieu de la rupture. Télémaque ne veut pas tuer le père, ni convoiter la mère. Il lutte pour retrouver son géniteur, le réinstaller sur le trône, réunir ses parents. L’Œdipe freudien, lui, doit profaner ses origines pour affirmer son individualité. Puis-je avouer que je trouve plus princière la figure télémaquienne ? En quoi ne correspondrait-elle pas à nos structures psychiques enfouies ? »
Sylvain Tesson
Un été avec Homère, Éditions des Équateurs, 2018
« Un peuple étant un complexe de rapports, d’attitudes, il y a une autre menace qui pèse sur lui, autre que la destruction physique, autre que la perte d’indépendance : c’est celle de la dissolution si les hommes ne se sentent plus membres d’un même corps, si le climat de confiance qui unit ces citoyens disparaît, si les symboles qu’ils ont en commun n’ont plus le même sens pour les uns et pour les autres, en un mot si l’existence morale du peuple disparaît. Et cette perte de l’existence morale n’est pas due à des causes extérieures et soudaines : elle est due à des phénomènes intérieurs et dissociateurs, qui sont des sous-produits du progrès. »
Bertrand de Jouvenel
Du Principat et autres réflexions politiques, 1958, éditions Hachette, 1972
« Dans le domaine de la théorie économique, qui ne voit la similitude entre la théorie politique de Hobbes et la théorie économique libérale ? L’homme est réduit à sa double fonction de producteur et de consommateur. Dans sa relation aux autres, l’homo œconomicus ne vise qu’à maximiser son utilité, son intérêt individuel en dehors de toute considération de solidarité. La relation économique est à la fois concurrentielle et contractuelle. La concurrence pure, parfaite et non faussée est garantie par l’État et les Codes, civil et de commerce, en sont les normes.
Les principes de ces deux idéologies sont communs : les hommes sont de purs atomes, des monades leibnitziennes qui flottent quelque part dans le plasma inorganique de l’espace et du temps, hors-sol, interchangeables et équivalents, sans aucune détermination culturelle ou historique. »
Lionel Rondouin
Ce que nous sommes. Aux sources de l’identité européenne, Philippe Conrad dir., édition Institut Iliade / Pierre-Guillaume de Roux, 2018
« Les sociétés démocratiques contemporaines sont des sociétés d’abstention où se croisent des collections fugitives d’individus que ne relient nul sentiment de coappartenance, ni de coresponsabilité, nul engagement dans un projet collectif. »
Pierre-André Taguieff
Résister au bougisme, Fayard, 2001
« Saint-Exupéry disait qu’il faut des barrières aux routes ; il faut aussi des bords aux piscines et des bandes aux billards. Certaines limitations sont les conditions sine qua non de l’existence de ce qu’elles limitent. Si je refusais d’être tout ce que d’autres peuvent être avec moi, je ne serais plus rien. L’individualisme pur, à la romantique, est un leurre dont le propre est de séduire ceux dont l’âge mental est celui des adolescents. »
Vladimir Volkoff
Le complexe de Procuste, éditions Julliard – L’Âge d’Homme, 1981
« Qu’est-ce qui s’était passé pour qu’un peuple devînt un agrégat d’individus persuadés de n’avoir rien à partager les uns avec les autres ? Le shopping, peut-être ? Les marchands avaient réussi leur coup. Pour beaucoup d’entre nous, acheter des choses était devenu une activité principale, un horizon, une destinée. La paix, la prospérité, la domestication nous avaient donné l’occasion de nous replier sur nous-même. Nous cultivions nos jardins. Cela valait sans doute mieux que d’engraisser les champs de bataille. »
Sylvain Tesson
Berezina, éditions Guérin, 2015, 978−2−35221−089−4, p. 194
« Le déracinement prépare le grand dérangement. Quand on ne s’accroche plus à rien, on risque d’être soufflé à la première tempête. Nous y sommes. »
Philippe de Villiers
Les cloches sonneront-elles encore demain ?, Albin Michel, 2016
« On a beau ironiser sur le concept de patrie et concevoir l’humanité sur le mode anarchique et abstrait comme composée uniquement d’individus isolés aspirant à une seule liberté personnelle, il n’empêche que la patrie est une réalité sociale concrète, introduisant l’homogénéité et le sens de la collaboration entre les hommes. Elle est même une des sources essentielles du dynamisme collectif, de la stabilité et de la continuité d’une unité politique dans le temps. Sans elle, il n’y a ni puissance ni grandeur ni gloire, mais non plus de solidarité entre ceux qui vivent sur un même territoire.
[…] Dans la mesure où la patrie cesse d’être une réalité vivante, la société se délabre non pas comme le croient les uns au profit de la liberté de l’individu ni non plus comme le croient d’autres à celui de l’humanité ; une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique.
Là où il n’y a pas de patrie, les mercenaires ou l’étranger deviennent les maîtres. Sans doute devons-nous notre patrie au hasard de la naissance, mais il s’agit d’un hasard qui nous délivre d’autres. »
Julien Freund
Qu’est-ce que la politique ?, Éditions du Seuil, 1967
« Nos contemporains répugneront à faire leur deuil du culte et du primat de l’individu libre de toute détermination, libre de jouir sans entraves dans l’instantanéité du temps, l’homo festivus qu’a bien défini Muray, dont le “vivre ensemble” est un mélange paradoxal de consommation matérialiste, de jouissances fugitives et de convivialité factice.
Et c’est pourtant à cet individualisme qu’il faut renoncer pour revenir à une conception et une définition holiste et organique de la société de l’Être. C’est une question de survie individuelle et collective. »
Lionel Rondouin
Ce que nous sommes. Aux sources de l’identité européenne, Philippe Conrad dir., édition Institut Iliade / Pierre-Guillaume de Roux, 2018
« Un homme qui serait seul dans l’univers n’aurait aucun droit, mais seulement des obligations. »
Simone Weil
L’enracinement, 1943, éditions Gallimard, 1949
« Naître sans héritage, grandir sans apanage, mourir sans lignage, c’est le lot de l’homme de passage, de l’homme sans ancrage. L’homme de rien. Qui ne trouve rien en arrivant, qui ne laisse rien en partant. Qui, finalement, n’aime rien. Rien que lui-même, ses pulsions et appétences. »
Philippe de Villiers
Les cloches sonneront-elles encore demain ?, Albin Michel, 2016