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Citations sur l'individualisme

Les formes du pouvoir nobiliaire n’ont pas cessé de changer…

« Au fil des siècles, chez les peuples euro­péens et dans cha­cune de leurs cultures par­ti­cu­lières, les formes du pou­voir nobi­liaire n’ont pas ces­sé de chan­ger, et sou­vent de façon rapide, mais la fonc­tion poli­tique et morale de la noblesse, en Grèce, à Rome, en Ger­ma­nie, dans l’Europe médié­vale ou moderne, est res­tée iden­tique pour l’essentiel. La noblesse n’est pas l’aristocratie ; il y a des aris­to­cra­ties de la for­tune et de l’argent. Elle n’est que par­tiel­le­ment dépen­dante de l’hérédité. Elle repose sur le mérite, et celui-ci doit tou­jours être confir­mé. La noblesse se gagne et se perd. Elle vit sur l’idée que le devoir et l’honneur sont plus impor­tants que le bon­heur indi­vi­duel. Ce qu’elle a en propre c’est son carac­tère public. Elle est faite pour diri­ger la chose publique, la res publi­ca. Sa voca­tion n’est pas d’occuper le som­met de la socié­té mais le som­met de l’État. Ce qui la dis­tingue, ce ne sont pas les pri­vi­lèges, mais le fait d’être sélec­tion­née pour com­man­der. Elle gou­verne, juge et mène au com­bat. La noblesse est asso­ciée à la vigueur des liber­tés publiques. Ses terres d’élection sont les liber­tés féo­dales et les monar­chies aris­to­cra­tiques ou consti­tu­tion­nelles. Elle est impen­sable dans les grandes tyran­nies orien­tales, Assur ou l’Égypte. En Europe même, elle s’étiole ou dis­pa­raît chaque fois que s’établit un pou­voir des­po­tique, ce qu’est le cen­tra­lisme éta­tique. Elle implique une per­son­na­li­sa­tion du pou­voir qui huma­nise celui-ci à l’inverse de la dic­ta­ture ano­nyme des bureaux. »

Domi­nique Venner
His­toire et tra­di­tion des Euro­péens, Édi­tions du Rocher, coll. His­toire, 2002

Nous sommes entrés dans un monde où tout ce qui…

« Nous sommes entrés dans un monde où tout ce qui était solide et durable est deve­nu tran­si­toire et insi­gni­fiant. Un monde de flux et de reflux, rele­vant d’une sorte de logique mari­time” et liquide. Les types humains qui pré­do­minent sont ceux du nar­cis­sique imma­ture, de l’arriviste for­ce­né, de l’imposteur satis­fait. Mélange d’intolérance sec­taire et d’hédo­nisme de bas niveau sur fond d’idées fausses et d’hygiénisme puri­tain. La constante pro­gres­sion de l’inculture me désole éga­le­ment. L’inculture n’est certes pas nou­velle. Sans doute était-elle-même plus répan­due dans le pas­sé qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais au moins ce n’étaient pas les incultes qui don­naient le ton. »

Alain de Benoist
Mémoire vive, entre­tiens avec Fran­çois Bous­quet, édi­tions de Fal­lois, 2012

Ceux que je hais, c’est d’abord ceux qui ne sont point…

« Ceux que je hais, c’est d’abord ceux qui ne sont point. Race de chiens qui se croient libres, parce que libres de chan­ger d’avis, de renier (et com­ment sau­raient-ils qu’ils renient puisqu’ils sont juges d’eux-mêmes ?). Parce que libres de tri­cher et de par­ju­rer et d’abjurer, et que je fais chan­ger d’avis, s’ils ont faim, rien qu’en leur mon­trant leur auge.
[…] Mais tous ceux-là je les dirai de la racaille, qui vivent des gestes d’autrui et, comme le camé­léon, s’en colorent, et aiment d’où viennent les pré­sents, et goûtent les accla­ma­tions et se jugent dans le miroir des mul­ti­tudes : car on ne les trouve point, ils ne sont point, comme une cita­delle, fer­més sur leurs tré­sors et, de géné­ra­tion en géné­ra­tion ils ne délèguent pas leur mot de passe, mais laissent croître leurs enfants sans les pétrir. Et ils poussent, comme des cham­pi­gnons, sur le monde. »

Antoine de Saint-Exupéry
Cita­delle, édi­tions Gal­li­mard, 1948

Libéralisme, puis démocratie, puis socialisme, puis radicalisme…

« Libé­ra­lisme, puis démo­cra­tie, puis socia­lisme, puis radi­ca­lisme, enfin com­mu­nisme et bol­che­visme ne sont appa­rus dans l’histoire que comme des degrés d’un même mal, des stades dont cha­cun pré­pare le sui­vant dans l’ensemble d’un pro­ces­sus de chute. Et le com­men­ce­ment de ce pro­ces­sus fut le moment où l’homme occi­den­tal bri­sa les liens avec la tra­di­tion, mécon­nut tout sym­bole supé­rieur d’autorité et de sou­ve­rai­ne­té, reven­di­qua pour lui-même en tant qu’individu une liber­té vaine et illu­soire, devint atome au lieu de res­ter par­tie consciente dans l’unité orga­nique et hié­rar­chique d’un tout. Et l’atome, à la fin, devait trou­ver contre lui la masse des autres atomes, des autres indi­vi­dus, et devait être impli­qué dans l’émergence du règne de la quan­ti­té, du pur nombre, des masses maté­ria­listes et n’ayant d’autre Dieu que l’économie sou­ve­raine. Dans ce pro­ces­sus, on ne s’arrête pas à mi-chemin. »

Julius Evo­la
Orien­ta­tions (Orien­ta­men­ti), 1950, trad. Phi­lippe Baillet, édi­tions Par­dès, 2011

Ceux qui avaient interprété la démocratie individualiste issue des Lumières…

« Ceux qui avaient inter­pré­té la démo­cra­tie indi­vi­dua­liste issue des Lumières comme une déca­dence, semblent sou­vent jus­ti­fiés aujourd’­hui. Elle est bel et bien entrée elle-même en déca­dence par rap­port à ses propres valeurs et à ses ambi­tions. Son sys­tème de socia­bi­li­té qui n’a jamais bien fonc­tion­né en Europe est en plein déra­page, sur­tout en France, lieu de sa fon­da­tion. La répu­blique contrac­tuelle une et indi­vi­sible implose sous nos yeux. Dans sa luci­di­té, Ray­mond Aron, pour­tant libé­ral convain­cu, l’avait pres­sen­ti au terme de ses Mémoires (Jul­liard, 1983) : « Sans adop­ter l’interprétation spen­glé­rienne selon laquelle la civi­li­sa­tion urbaine, uti­li­taire, démo­cra­tique marque en tant que telle une phase de déca­dence des cultures, il est légi­time de se deman­der, […] si l’épanouissement des liber­tés, le plu­ra­lisme des convic­tions, l’hédonisme indi­vi­dua­liste ne mettent pas en péril la cohé­rence des socié­tés et leur capa­ci­té d’action. »
De cette noci­vi­té, la plus grande par­tie du monde euro­péen était convain­cue avant 1914. Mais ce qui don­nait de la force au rejet de l’idéologie des Lumières et de 1789, c’est que ce monde euro­péen des monar­chies et de l’ancien ordre féo­dal réno­vé était aus­si le plus effi­cace, le plus moderne et le plus com­pé­ti­tif sur le ter­rain éco­no­mique, social et cultu­rel. Ce fait oublié, il convient de le rap­pe­ler. D’a­bord parce que c’est une réa­li­té his­to­rique et à ce titre méri­tant d’être connue. Ensuite, parce que cette réa­li­té per­met de prendre du champ par rap­port à l’illusion d’optique que les vic­toires répé­tées des États-Unis ont impo­sé depuis la fin du XXe siècle. Illu­sion qui fait prendre le phé­no­mène par­ti­cu­lier et contin­gent de la socié­té amé­ri­caine pour une néces­si­té uni­ver­selle. Cette sédui­sante chi­mère s’est ins­tal­lée d’autant plus aisé­ment que dans nos socié­tés les esprits ont été for­més depuis long­temps par l’imprégnation incons­ciente de la vul­gate mar­xiste à une inter­pré­ta­tion déter­mi­niste et fina­liste de l’histoire où le suc­cès momen­ta­né vaut preuve. »

Domi­nique Venner
Le Siècle de 1914 : Uto­pies, guerres et révo­lu­tions en Europe au XXe siècle, édi­tions Pyg­ma­lion, coll. His­toire, 2006

La télé enferme les gens chez eux…

« En 1964, je fais mes classes à Paris et j’al­lais voir mes cou­sines qui habi­taient le 14ème. La rue Per­ne­ty, c’é­tait des tau­dis, bien sûr, mais les gens étaient dehors, assis sur des pliants, ils jouaient aux cartes, tri­co­taient, dis­cu­taient. Tout le monde se connais­sait, il y avait le flic du quar­tier, la pros­ti­tuée du quar­tier : tout le monde en bons termes ! Aujourd’­hui, de telles scènes sont impos­sibles : la télé enferme les gens chez eux. Quand on passe l’hi­ver dans les rues on aper­çoit la lueur de l’é­cran de fas­ci­na­tion par les fenêtres, c’est déso­lant. »

Alain Pau­card
Du Paris d’Au­diard au Paris de Dela­noë, par Alain Pau­card, entre­tien au Figa­ro, par Eugé­nie Bas­tié, 11 juillet 2014

Le laisser-aller langagier est la concession majeure…

« […] Le lais­ser-aller lan­ga­gier est la conces­sion majeure faite aux esclaves mon­dia­li­sés par des maîtres qui, n’en sachant eux-mêmes guère plus sur la langue, ne peuvent qu’abonder dans le sens des esclaves, en une langue infi­ni­ment diver­tie d’elle-même. Rien n’est grave, dans le monde hori­zon­tal, puis­qu’il n’y a plus ni évé­ne­ment, ni valeur, ni sens, et que l’individu y règne en lieu et place des peuples : il est, l’indi­vi­du, la synec­doque misé­rable du peuple. De la même façon que le sujet s’est éteint dans l’avènement de l’individu, on peut dire que la langue fran­çaise est morte avec l’avènement de sa mau­vaise conscience au sein de la com­mu­ni­ca­tion. Mau­vaise conscience qui, dou­blée d’une effi­ca­ci­té poli­tique, conduit à l’anglais plus sûre­ment que le diver­tis­se­ment hol­ly­woo­dien. »

Richard Millet
Argu­ments d’un déses­poir contem­po­rain, Her­mann édi­teurs, 2011

Le libéralisme s’organise autour de la notion d’individu…

« Le libé­ra­lisme s’organise autour de la notion d’indi­vi­du et autour de la notion d’humanité, en éli­mi­nant toutes les struc­tures inter­mé­diaires, tan­dis que la démo­cra­tie illi­bé­rale, qui n’est jamais que la démo­cra­tie tout court, s’organise fon­da­men­ta­le­ment autour de la notion de citoyen. »

Alain de Benoist
Pour une Europe illi­bé­rale, allo­cu­tion au sixième col­loque de l’Institut Iliade, Paris, Mai­son de la Chi­mie, 6 avril 2019

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