« Une période de décadence se reconnaît au déclin des valeurs morales qui permettent la survie d’une société. »
Ivan Blot
Les décadences dans l’histoire, deuxième opus du cycle de conférences sur « L’homme héroïque », 7 octobre 2015
Un projet de l'Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne
« Une période de décadence se reconnaît au déclin des valeurs morales qui permettent la survie d’une société. »
Ivan Blot
Les décadences dans l’histoire, deuxième opus du cycle de conférences sur « L’homme héroïque », 7 octobre 2015
« Tout éternellement croît, tendu vers son déclin. »
Héraclite
Fragments, 126, 576 – 480 av. notre ère, trad. Jean-François Pradeau, éditions Garnier-Flammarion, 2018
« Le courage civique a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble, mais même chacun des pays qui le composent, chacun de ses gouvernements, chacun de ses partis, ainsi que, bien entendu, l’Organisation des Nations unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société tout entière. »
Alexandre Soljenitsyne
Le déclin du courage, discours à l’université de Harvard du 8 juin 1978, trad. Geneviève et José Johannet, éditions Les Belles Lettres, 2014
« En face de la Crète et de l’Archipel, quelque part sur la côte ionienne, il y eût une ville — nous dirions aujourd’hui une bourgade, ou même un village —, fortifiée. Elle fut Ilion, elle devint Troie, et son nom ne passera jamais. Un poète qui peut-être fut mendiant et chanteur des rues, qui peut-être ne savait ni lire ni écrire et que la tradition dit aveugle, fit un poème de la guerre des Grecs contre cette ville afin de reconquérir la plus belle femme du monde. Que la plus belle femme du monde ait vécu dans une petite ville nous paraît légendaire ; que le plus beau poème du monde ait été composé par quelqu’un qui n’avait jamais vu de ville plus grande est un fait historique. On dit que ce poème est tardif, et que la culture primitive était sur son déclin lorsqu’il fut écrit ; on se demande alors ce qu’elle produisait dans toute sa force. Quoiqu’il en soit, il est vrai que ce poème, qui fut notre premier poème, pourrait aussi être notre dernier chant. Il pourrait être le premier et le dernier mot de l’homme simple mortel sur sa propre destinée telle qu’il l’a peut voir. Que le monde périsse païen et le dernier homme fera bien s’il chante l’Iliade et meurt. »
Gilbert Keith Chesterton
The Everlasting Man (L’Homme éternel), éditions Hodder & Stoughton, 1925
« Notre culture européenne tout entière se meurt depuis longtemps déjà, avec une torturante tension qui croît de décennies en décennies, comme portée vers une catastrophe : inquiète, violente, précipitée ; comme un fleuve qui veut en finir, qui ne cherche plus à revenir à soi, qui craint de revenir à soi. »
Friedrich Nietzsche
Fragments posthumes, Tome XIII, 1887 – 1888, trad. Henri-Alexis Baatsch et Pierre Klossowski, éditions Gallimard, 1976
« Affaiblissement d’un peuple ou d’une civilisation résultant de causes endogènes, et tendant à lui faire perdre son identité et sa créativité.
Les causes de la décadence sont presque partout les mêmes dans l’histoire : individualisme et hédonisme excessifs, amollissement des mœurs, égoïsme social, dévirilisation, mépris des valeurs héroïques, intellectualisation des élites, déclin de l’éducation populaire, détournement ou abandon de la spiritualité et du sacré, etc.
D’autres causes sont fréquentes : modification du substrat ethnique, dégénérescence des aristocraties naturelles, perte de la mémoire historique, oubli des valeurs fondatrices. La décadence survient lorsque le souci du maintien dans l’histoire de la communauté-du-peuple s’estompe, lorsque les liens communautaires de solidarité et de lignage s’affaiblissent. Pour résumer, on peut dire que la décadence voit des symptômes apparemment contraires se conjuguer : l’excessive intellectualisation des élites, de plus en plus coupées du réel, et la primitivisation du peuple. Panem et circenses…
L’Europe connaît aujourd’hui une telle situation. La plupart du temps, la décadence est mal perçue comme telle et refusée par ses contemporains. Ceux qui la dénoncent sont assimilés à des prophètes de malheur. Les époques de décadence se parent souvent du masque de la renaissance. Ces attitudes sont des comportements de conjuration du réel, d’occultation des symptômes dans le but de rassurer.
Aucune décadence ne doit être considérée comme irréversible. Il faut cultiver l’optimisme tragique de Nietzsche. “Paris-Marseille en un quart d’heure, c’est formidable ! Car vos fils et vos filles peuvent crever, le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l’éclair. Que fuyez-vous donc, imbéciles ? Hélas, c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes”. »
Georges Bernanos
La France contre les robots, éditions Robert Laffont, 1947
« Les états décadents et les gens mûrs pour le déclin n’ignorent pas la musique, il est vrai, mais leur musique manque de sérénité. Aussi, plus la musique est bruyante et plus les gens deviennent mélancoliques, plus le pays est en danger et plus son prince tombe bas. »
Hermann Hesse
Le Jeu des perles de verre (Das Glasperlenspiel), 1943, trad. Jacques Martin, Calmann-Lévy éditeur, 1955
« En fait, pour lui, esprit simple et peu porté aux préciosités, le monde des hommes se divisait en deux : les opposants au chaos et les complices de celui-ci. Les complices du chaos, actifs ou passifs, pouvaient être drôles, brillants, habiles, fins, séduisants, charismatiques, géniaux même, pourquoi pas, ils étaient néanmoins ses adversaires, ses ennemis et ils le désolaient quand ils ne le faisaient pas carrément dégueuler. Il est des époques qui imposent un minimum de sérieux et, surtout, de conscience d’un intérêt général, d’une simple nécessité de survie. François pensait que nous vivions l’une de celle-là. Cela le rendait peu amène et même assez largement odieux, insortable en tout cas. Il n’était ni léger, ni détaché, ni brillamment cynique, crimes mondains dont on ne se relève pas. »
Roger Nimier
Les enfants tristes, 1951, éditions Gallimard, coll. Folio, 1983
« Le vrai péché mortel contre la société est de concourir par lâcheté morale ou par intérêt à courte vue au déclin, puis à l’anéantissement, d’une civilisation. »
Ghislain de Diesbach
Petit dictionnaire des idées mal reçues, éditions Via Romana, 2009