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Citations sur la littérature
Je m’étais assigné une tâche…
« Je m’étais assigné une tâche, dont j’ai pleinement admis l’arrogance et qui m’a fait frémir – pour être précis : rendre aux Anglais une tradition épique et leur présenter une mythologie qui leur soit propre –, et c’est une chose merveilleuse que l’on me dise que j’y suis parvenu, au moins auprès de ceux qui n’ont pas encore le cœur et l’esprit enténébrés. »
John Ronald Reuel Tolkien
Lettres (1981), n°180, édité par Humphrey Carpenter et Christopher Tolkien, trad. Delphine Martin et Vincent Ferré, Christian Bourgois éditeur, 2005
Le bourgeois, rassuré, trônait, jovial…
« Maintenant, c’était un fait acquis. Une fois sa besogne terminée, la plèbe avait été, par mesure d’hygiène, saignée à blanc ; le bourgeois, rassuré, trônait, jovial, de par la force de son argent et la contagion de sa sottise. Le résultat de son avènement avait été l’écrasement de toute intelligence, la négation de toute probité, la mort de tout art, et, en effet, les artistes avilis s’étaient agenouillés, et ils mangeaient, ardemment, de baisers les pieds fétides des hauts maquignons et des bas satrapes dont les aumônes les faisaient vivre !
C’était, en peinture, un déluge de niaiseries molles ; en littérature, une intempérance de style plat et d’idées lâches, car il lui fallait de l’honnêteté au tripoteur d’affaires, de la vertu au flibustier qui pourchassait une dot pour son fils et refusait de payer celle de sa fille ; de l’amour chaste au voltairien qui accusait le clergé de viols, et s’en allait renifler hypocritement, bêtement, sans dépravation réelle d’art, dans les chambres troubles, l’eau grasse des cuvettes et le poivre tiède des jupes sales !
C’était le grand bagne de l’Amérique transporté sur notre continent ; c’était enfin, l’immense, la profonde, l’incommensurable goujaterie du financier et du parvenu, rayonnant, tel qu’un abject soleil, sur la ville idolâtre qui éjaculait, à plat ventre, d’impurs cantiques devant le tabernacle impie des banques ! »
Joris Karl Huysmans
À Rebours, 1884, éditions Gallimard, 1977, coll. Folio classique, 2022
Il y a des moments où il faut choisir…
« Il y a des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l’existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose. »
Oscar Wilde
Aphorismes, 1904, trad. Christophe Beslon, éditions Fayard, coll. 1001 Nuits, 2020
La bêtise insiste toujours…
« La bêtise insiste toujours. »
Albert Camus
La peste, éditions Gallimard, 1947, coll. Folio, 1972
Le nom de Céline appartient à la littérature…
« Le nom de Céline appartient à la littérature, c’est à dire à l’histoire de la liberté. Parvenir à l’en expulser afin de le confondre tout entier avec l’histoire de l’antisémitisme, et ne plus le rendre inoubliable que par-là, c’est le travail particulier de notre époque, tant il est vrai que celle-ci, désormais, veut ignorer que l’Histoire était cette somme d’erreurs considérables qui s’appelle la vie, et se bercer de l’illusion que l’on peut supprimer l’erreur sans supprimer la vie. Et, en fin de compte, ce n’est pas seulement Céline qui sera liquidé, mais aussi, de proche en proche, toute la littérature, et jusqu’au souvenir même de la liberté. »
Philippe Muray
Céline, éditions Gallimard, coll. Tel, 2001
Autrefois, les jeunes gens étaient obligés d’étudier…
« Autrefois, les jeunes gens étaient obligés d’étudier ; ils n’avaient pas envie de passer pour des ignares, ils se donnaient du mal, bon gré mal gré. Aujourd’hui, il leur suffit de dire : fariboles, tout n’est que fariboles ! et le tour est joué […] les voilà tout d’un coup promus nihilistes. »
Ivan Tourgueniev
Pères et fils, 1862, in Romans et nouvelles complets, tome II, trad. Françoise Flamant, éditions Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1982
Je lis beaucoup de Léon Bloy…
« Je lis beaucoup de Léon Bloy, plusieurs fois par jour, car cette lecture m’apporte des éléments de réconfort. J’ai aussi le sentiment que cette prédilection étonne les Français avec qui je parle, et les porte à l’étude renouvelée de cet auteur. Je rembourse peut-être ainsi, bien modestement, ce que je reçois de lui. À mon avis, Bloy n’est pas encore un classique, mais il le sera un jour, alors même que d’autres, tel Barrès, auront cessé de l’être. »
Ernst Jünger
Lettre à Carl Schmitt le 8 mars 1943 in Ernst Jünger, Carl Schmitt, Correspondance 1930 – 1983, trad. François Poncet, éditions Krisis et Pierre-Guillaume De Roux, 2020
On ne dira jamais assez ce que la littérature, les arts…
« On ne dira jamais assez ce que la littérature, les arts, le savoir ont dû à l’hospitalité des grands seigneurs français et à l’exemple qu’ils ont donné à l’Europe. On ne dira jamais assez non plus ce qu’ils ont appris aux écrivains, leur sens du style. Eux-mêmes ont été souvent des écrivains supérieurs. La Rochefoucauld, Saint-Simon, le prince de Ligne, la marquise du Deffand. Cela compense peut-être leur naïveté politique. »
Marc Fumaroli
Notre art de vivre est né du mariage des lettres et de l’épée, entretien. Propos recueillis par Patrick Jansen, Enquête sur l’histoire n°24, décembre 1997 – janvier 1998
Le simple jeu de l’imagination, cette faculté que nous avons de créer…
« Le simple jeu de l’imagination, cette faculté que nous avons de créer, par des mots, un monde irréel, et de l’imposer, ne serait-ce que fugitivement, à l’esprit d’autrui, c’est une sorte de sport, aussi satisfaisant, à sa manière, que celui qui consiste à feindre une petite guerre entre deux équipes dont chacune s’efforce de rejeter, dans le camp adverse, un ballon ovale ou un ballon rond. »
Pierre Gripari
Critique et autocritique, éditions L’Âge d’Homme, 1981
L’Europe, la vraie, ne se fera pas sans les peuples slaves…
« À côté des âneries du “réalisme socialiste” s’est développé, dans des circonstances dramatiques, un “underground” est-européen d’une vitalité saisissante, et d’une extraordinaire qualité. Quatre au moins, parmi les plus grands écrivains du siècle, nous viennent des pays communistes : les Russes Boulgakov, Siniavski et Soljénitsyne ; le Tchèque Kundera. Si ennemis que nous soyons de l’idéologie marxiste, nous maintenons que l’Europe, la vraie, ne se fera pas sans les peuples slaves — encore moins contre eux ! »
Pierre Gripari
Critique et autocritique, éditions L’Âge d’Homme, 1981
Certes l’Amérique exporte beaucoup de camelote…
« Certes l’Amérique exporte beaucoup de camelote, mais le roman de série noire et la science-fiction sont des genres bien vivants, qui ont sorti le roman contemporain du bourbier naturaliste et lui ont redonné un certain sens du mythe, de la grandeur. »
Pierre Gripari
Critique et autocritique, éditions L’Âge d’Homme, 1981
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