« Un ermite ne menace pas la société des hommes. Tout juste en incarne-t-il la critique. Le vagabond chaparde. Le rebelle appointé s’exprime à la télévision. »
Sylvain Tesson
Dans les forêts de Sibérie, éditions Gallimard, 2011
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« Un ermite ne menace pas la société des hommes. Tout juste en incarne-t-il la critique. Le vagabond chaparde. Le rebelle appointé s’exprime à la télévision. »
Sylvain Tesson
Dans les forêts de Sibérie, éditions Gallimard, 2011
« Deux fois dans ma vie un rédacteur-en-chef m’a dit qu’il n’osait pas imprimer ce que j’avais écrit de peur d’offenser les annonceurs de son journal. […] En ces deux occasions il me refusa la liberté d’expression parce que j’avais écrit que les grands magasins qui bénéficient de la publicité que l’on sait étaient en réalité pires que les petits magasins. C’est la une des choses, et elle est digne d’être relevée, qu’un homme n’a désormais plus le droit de dire ; peut-être même la seule chose qui lui soit réellement interdite. Si j’avais attaqué le gouvernement, on aurait trouvé cela très bien ; si j’avais attaqué Dieu, on aurait trouvé cela encore mieux. Si j’avais critiqué le mariage, le patriotisme ou la morale publique, j’aurais eu droit à la première page de la presse dominicale. Mais un grand journal ne peut se payer le luxe de critiquer les grands magasins, étant un grand magasin à sa manière et en passe de devenir lui-même un monopole. »
Gilbert Keith Chesterton
Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste, 1926, trad. Gérard Joulié, éditions de l’Homme Nouveau, 2010
« La vérité concernant la presse, c’est qu’elle n’est pas telle que son nom la désigne. Elle n’est pas “la presse populaire”. Elle n’est pas la presse publique. Elle n’est pas davantage un organe de l’opinion publique. Elle est une conspiration ourdie par un petit nombre de millionnaires qui se sont entendus sur ce que cette grande nation (à laquelle nous appartenons) doit savoir sur elle-même, ses alliés, ses ennemis. […]
Si bien que le lecteur de journal reçoit toutes ses informations et ses mots d’ordre politiques de ce qui à l’heure qu’il est constitue plus ou moins consciemment une sorte de société secrète, composée d’un très petit nombre de membres disposant de beaucoup d’argent. »
Gilbert Keith Chesterton
Utopie des usuriers, trad. Gérard Joulié, éditions de l’Homme Nouveau, 2010
« Le problème que doit résoudre aujourd’hui le journaliste politique est le suivant : s’il a véritablement l’intention de dénoncer devant l’opinion un marchandage contacté entre un gouvernement et un entrepreneur, c’est, de nos jours, au Parlement qu’il a affaire ; c’est-à-dire un comité qui le contrôle. Et il doit trancher entre deux points de vue. Ou bien il décide qu’il ne peut exister de gouvernement corrompu. Ou bien il décide qu’il appartient à un gouvernement corrompu de dénoncer sa propre corruption. Je lui donne le choix tout en riant sous cape. »
Gilbert Keith Chesterton
Utopie des usuriers, trad. Gérard Joulié, éditions de l’Homme Nouveau, 2010
« Et, avec tout cela, la presse est devenue la force la plus importante des États occidentaux, elle dépasse en puissance les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Pourtant, voyons : en vertu de quelle loi a‑t-elle été élue et à qui rend-elle compte de son activité ? Si, dans l’Est communiste, un journaliste est ouvertement nommé comme tout fonctionnaire — quels sont les électeurs de qui les journalistes occidentaux tiennent leur position prépondérante ? Pour combien de temps l’occupent-ils et de quels pouvoirs sont-ils investis ? »
Alexandre Soljenitsyne
Le déclin du courage, discours à l’université de Harvard du 8 juin 1978, trad. Geneviève et José Johannet, éditions Les Belles Lettres, 2014
« Une âme humaine accablée par plusieurs dizaines d’années de violence aspire à quelque chose de plus haut, de plus chaud, de plus pur que ce que peut aujourd’hui lui proposer l’existence de masse en occident que viennent annoncer, telle une carte de visite, l’écœurante pression de la publicité, l’abrutissement de la télévision et une musique insupportable. »
Alexandre Soljenitsyne
Le déclin du courage, discours à l’université de Harvard du 8 juin 1978, trad. Geneviève et José Johannet, éditions Les Belles Lettres, 2014
« La croissance du désert est à chercher non pas tant dans sa réalité africaine ou australienne, que dans la surpopulation déspiritualisée, anesthésiée, conditionnée par la mondialisation télévisuelle et qui ne sait pas, ne veut pas savoir que le diable veille sur elle, et qu’elle regarde le monde par les yeux du Démon. »
Richard Millet
L’opprobre. Essai de démonologie, éditions Gallimard, 2008
« En 1964, je fais mes classes à Paris et j’allais voir mes cousines qui habitaient le 14ème. La rue Pernety, c’était des taudis, bien sûr, mais les gens étaient dehors, assis sur des pliants, ils jouaient aux cartes, tricotaient, discutaient. Tout le monde se connaissait, il y avait le flic du quartier, la prostituée du quartier : tout le monde en bons termes ! Aujourd’hui, de telles scènes sont impossibles : la télé enferme les gens chez eux. Quand on passe l’hiver dans les rues on aperçoit la lueur de l’écran de fascination par les fenêtres, c’est désolant. »
Alain Paucard
Du Paris d’Audiard au Paris de Delanoë, par Alain Paucard, entretien au Figaro, par Eugénie Bastié, 11 juillet 2014
« Le journalisme n’est qu’une prodigieuse entreprise de falsification, voire d’éradication de la réalité, sous couvert d’informer et d’analyser, l’information ne parlant en vérité que d’elle-même et l’analyse servant des intérêts propres à renforcer l’ignorance et la déchéance spirituelle des hommes. De là mon souci, qui irait croissant, de n’être plus informé. »
Richard Millet
La confession négative, éditions Gallimard, 2009
« L’historien qui se mêle de juger le passé fait du journalisme dans un autre siècle. »
Emil Cioran
De l’inconvénient d’être né, éditions Gallimard, 1973
« C’est parce que je vois venir le monde où les scientifiques auront seuls droit au chapitre tandis que les bouffons du divertissement occuperont le temps libre des individus hébétés, c’est parce que je vois venir ce temps de barbarie (il faut relire l’essai de Michel Henry) où la pensée littéraire n’éduquera plus les sensibilités que je parle de lutte à mort. Permettez-moi de citer l’exergue du roman, extrait du Journal de Gombrowicz, en 1961 : “Je prévois que, dans les prochaines années, l’art devra se débarrasser de la science et se retourner contre elle — c’est un affrontement qui doit avoir lieu tôt ou tard. Une bataille ouverte où chaque partie aura parfaitement conscience de ses motivations” : nous y sommes. »
Patrice Jean
Qu’un écrivain puisse être en paix avec son temps me paraît vraiment curieux, entretien au Figaro, par Eugénie Bastié, 29 septembre 2017