« On dit : en Europe la rue est vivante, en Amérique elle est morte. C’est faux. Rien de plus intense, de plus électrisant, de plus vital et de plus mouvementé que les rues de New York. La foule, le trafic, la publicité l’occupent tantôt avec violence, tantôt avec désinvolture. Des millions de gens l’occupent, errants, nonchalants, violents, comme s’ils n’avaient rien d’autre à faire, et sans doute n’ont-ils réellement rien à faire que de produire le scénario permanent de la ville. […] La rue américaine ne connaît peut-être pas de moments historiques, mais elle est toujours mouvementée, vitale, cinétique, et cinématique, à l’image du pays lui-même, où la scène proprement historique et politique compte peu, mais où la virulence du changement, qu’il soit alimenté par la technologie, la différence des races, les media, est grande : c’est la violence même du mode de vie. »
Jean Baudrillard
Amérique, éditions Grasset, 1986, Le Livre de Poche, coll. Biblio essais, 1988