Un projet de l'Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne

Citatio, un portail ouvert sur notre civilisation

Nous menons un travail long et exigeant afin d'assurer la qualité des milliers de citations que nous vous proposons. Tout cela a un coût que vous pouvez nous aider à supporter en faisant un don.

« Je pour­suis un autre che­min, en alti­tude, ma mys­tique s’émerveille des vrais chefs d’œuvre et s’étonne de pou­voir regar­der, entendre, sen­tir la nature. Vous avez lais­sé votre intel­li­gence, ce tyran stu­pide, tirer un épais rideau devant vos yeux, vous ne pou­vez donc pas voir que vous êtes entou­rés de vraies mer­veilles. Vous avez lais­sé cette com­pagne impor­tune dire quelques mots futiles au sujet des mys­tères du monde, vous croyez donc en être arri­vés à domi­ner tout mys­tère, vous croyez les avoir réso­lus scien­ti­fi­que­ment, selon des lois et vous êtes fiers, espèces de fous, de ne plus vous éton­ner de rien. Vous ne pres­sen­tez même pas que vous pos­sé­dez les clefs qui vous per­met­tront de déchif­frer ces mil­lions de runes, les plus fines impres­sions, les mil­liers de sen­ti­ments dif­fé­rents de votre cœur. Si vous vous entraî­nez à retrou­ver sans cesse ce pou­voir d’émer­veille­ment, à obéir en vous aux impres­sions les plus légères et les plus nuan­cées, à ampli­fier les sons, comme si vous aviez un micro­phone, et à vous éle­ver de l’obscurité à la lumière, — alors vous par­vien­drez à l’âme des choses et vous pour­rez écou­ter la parole de Dieu. Mais tous les concepts géné­raux, tout le pauvre voca­bu­laire avec lequel l’intelligence humaine bor­née croit appré­hen­der l’inépuisable uni­vers, vous devez les fou­ler au pied avec mépris. Chaque vision, chaque vue dif­fé­rente de la mon­tagne, chaque petite plante, chaque coup d’aile du chou­cas, chaque regard humain, le silence sacré de ce lever de soleil sur le col du Mönch, vous devez les res­sen­tir comme quelque chose d’unique, comme quelque chose qui n’a jamais exis­té aupa­ra­vant, comme un miracle inouï, et vous lais­ser impré­gner de leurs par­ti­cu­la­ri­tés. Alors votre vie ne sera plus qu’une chaîne de révé­la­tions et vous vous serez méta­mor­pho­sés en enfants naïfs, en dieux grecs.
De nou­veau un autre monde, atten­du avec curio­si­té. Nous n’avons pas la sur­prise de décou­vrir des hori­zons loin­tains ; nous sommes au contraire à l’entrée du petit jar­din enchan­té de Laurin. […]
Voi­là ce que j’ai trou­vé pour la pre­mière fois dans la mon­tagne et ce que je cherche désor­mais en connais­sance de cause : l’unité infi­nie et l’harmonie des forces et des élé­ments de la nature, tout comme l’harmonie des forces, des pul­sions, des sen­ti­ments de mon moi pro­fond et l’harmonie de ces deux ensembles l’un envers l’autre. Pen­dant que notre civi­li­sa­tion accul­tu­rée dis­perse et dés­unit tout, c’est en mon­tagne, dans cette vaste nature qui aspire au divin, que chaque indi­vi­dua­li­té peut se fondre dans le cos­mos. Ce n’est pas une petite har­mo­nie super­fi­cielle, à trois sous. Les pics les plus bizarres, les pré­ci­pices les plus affreux, les hur­le­ments de la tem­pête, les ava­lanches des­truc­trices se mêlent en une par­faite uni­té avec le plus doux des rayons de soleil, le plus léger voile de brume, l’insecte minus­cule, la fleur qui brille en silence sur le rocher. […]
L’alpinisme nous per­met de fon­der un homme com­plet, il nous sort de l’arbitraire bar­bare pour nous éle­ver vers une har­mo­nie sœur de l’harmonie grecque. Pen­dant près de deux mil­lé­naires, le corps a été offi­ciel­le­ment mépri­sé et assu­jet­ti comme un prin­cipe mau­vais, la pen­sée mona­cale avait dis­so­cié le corps et l’esprit. Nous qui vou­lons être à la pointe de la moder­ni­té, nous sommes reve­nus bien en deçà, nous sommes joyeux d’appartenir à la terre. Nous pou­vons de nou­veau, comme les Grecs ingé­nus, nous réjouir ouver­te­ment de la beau­té phy­sique et de l’action impétueuse. »

Eugen Gui­do Lammer
Jung­born (Fon­taine de Jou­vence), 1922, trad. Anne-Laure Blanc (non édi­tée), selon l’édition Rother Ver­lag de 1935

À propos de l'auteur

Eugen Guido Lammer
Eugen Guido Lammer, né le 18 juin 1863 à Rosenburg-Mold et mort le 2 février 1945 à Vienne, est un alpiniste autrichien qui promouvait dans ses écrits une conception héroïque de l'alpinisme, marquée par l'exaltation du danger.
Livres

À l'affiche

Comprendre la stratégie hongroise
Dominique Venner. La flamme se maintient
Sur les chemins noirs
Bienvenue dans le meilleur des mondes. Quand la réalité dépasse la science-fiction
Frédéric Mistral. Patrie charnelle et Provence absolue
Les Indo-Européens
Le soleil et l'acier
L’exil intérieur. Carnets intimes
La société de propagande
Tolkien, l’Europe et la tradition. La civilisation à l’aune de l’imaginaire
Voyage au bout de la nuit
Game over. La révolution antipolitique
Pour un réveil européen. Nature - Excellence - Beauté
Ceux de 14
La hache des steppes
Le japon moderne et l'éthique samouraï
Walter, ce boche mon ami
Les grandes légendes de France
Courage ! manuel de guérilla culturelle
À propos des Dieux. L’esprit des polythéismes
Les Déshérités ou l’urgence de transmettre
L’enracinement
Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l'impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche
Citadelle
Œuvres en prose complètes, tome III
L'Empire du politiquement correct
L’opprobre. Essai de démonologie
La grande séparation
Orthodoxie
Économie et société médiévale
Un samouraï d’Occident. Le Bréviaire des insoumis
Précis de décomposition
L’homme surnuméraire
L'Argent
Les Horreurs de la démocratie
Petit traité sur l’immensité du monde
La Cause du peuple
Histoire et tradition des Européens
Mémoire vive. Entretiens avec François Bousquet
Le déclin du courage
Sire
La France contre les robots
Le regard des princes à minuit
L’œuvre de chair
Service inutile
Traité du rebelle ou le recours aux forêts
Les sentinelles du soir
Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître ?