« S’il faut une opposition pour défendre et sauver la personne, nous sommes de cette opposition. Mais nous refusons, en combattant pour la personne, de combattre pour cette réalité agressive et avare qui se retranche derrière elle. Une personne, ce n’est pas un faisceau de revendications tournées vers le dedans à l’intérieur d’une frontière arbitraire, et je ne sais quel désir d’affirmation. C’est un style réducteur des influences, mais largement ouvert à elles, une puissance orientée d’attente et d’accueil. C’est une force nerveuse de création et de maîtrise, mais au sein d’une communion humaine où toute création est un rayonnement, toute maîtrise un service. C’est une liberté d’initiative, c’est-à-dire un foyer de commencements, une première pente vers le monde, une promesse d’amitiés multiples, une offre de soi. On ne se trouve qu’en se perdant ; on ne possède que ce qu’on aime. Allons plus loin, jusqu’au bout de la vérité qui nous sauvera : on ne possède que ce qu’on donne. Ni revendication, ni démission : nous refusons le mal de l’Orient et le mal de l’Occident. Mais un mouvement croisé d’intériorisation et de don […]. »
Emmanuel Mounier
« Pour une réhabilitation de la communauté », in Krisis n°16, juin 1994