« La beauté de notre histoire, c’est d’abord celle d’un peuple qui ne veut pas disparaître et qui s’accroche à l’existence de toutes les manières possibles.
Rien n’est plus contre-intuitif, aujourd’hui, j’en conviens. Les modernes sectaires aimeraient bien nous déraciner. Nos symboles, ils veulent les effacer, les laminer, les déconstruire. Ils prétendent nous libérer du passé alors qu’ils nous déshumanisent, ils provoquent une détresse psychique et culturelle que nous peinons pourtant à reconnaître, puisque nous ne voulons plus accorder quelque droit que ce soit au passé sur notre présent. Même lorsqu’il est semé de traces nous permettant de mieux nous comprendre. Le système médiatique qui se fait le propagateur d’une nouvelle culture globale souvent insignifiante accordée aux principes de la mondialisation cherche à frapper d’obsolescence l’héritage historique des peuples, qui entrave l’avènement de l’individu mondialisé. […]
On l’oublie, mais un peuple qui perd le goût de vivre peut mourir, en devenant étranger à lui-même et indifférent aux promesses qu’il s’était déjà fait. […] Un pays sans légendes, à la mémoire vide, aux racines sèches, n’est plus un pays, mais un territoire sans âme, un terrain vague, sur lequel n’importe qui peut se permettre n’importe quoi. […] C’est par l’enracinement que nous découvrons la possibilité de la renaissance. Et je me dis qu’un pays qui renoue avec ses légendes, qui redécouvre ses grands mythes, qui ne se laisse plus séduire par les déconstructeurs qui nous expliquent que tout, dans notre culture, est faux ou perfide, peut du coup se réanimer. »
Mathieu Bock-Côté
Gilles Vigneault : poète de l’enracinement et de la renaissance, Le Journal de Montréal (blog), 24 novembre 2014