« Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
René Char
Le poème pulvérisé, éditions Fontaine, 1947
Un projet de l'Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne
Nous menons un travail long et exigeant afin d'assurer la qualité des milliers de citations que nous vous proposons. Tout cela a un coût que vous pouvez nous aider à supporter en faisant un don.
« Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
René Char
Le poème pulvérisé, éditions Fontaine, 1947
« Je ne serai pas quelqu’un ; je serai, simplement. Un homme, l’Homme qui est au milieu du monde – sans qu’il y ait de dieux pour le regarder. Car je ne suis pas une pensée, un rêve, une luciole fugitive. Je suis en chair et en os. D’abord en chair et en os. Ce qui est bien, c’est que je suis nu, c’est-à-dire sans argent, avec une chemise de rechange, un homme qui a restitué en lui le rudiment de toute réalité, qui travaille avec ses mains et ses pieds, qui mange, qui boit, qui dort.
[…] Qu’est-ce que je fais là ? Je suis un homme. J’ai été promis à un monde d’hommes et d’animaux. Mes ancêtres n’ont pas travaillé à une civilisation pour que soudain nous n’y puissions plus rien et que le mouvement se perde machinal, aveugle, absurde ? Une machine, un canon qui tire sans arrêt, tout seul. Qu’est-ce que cela ? Ce n’est ni un homme, ni un animal, ni un dieu. C’est un calcul oublié qui poursuit seul sa trajectoire à travers le monde, c’est un résidu incroyable. Quelle est cette reprise étrange de la matière sur la vie ? Quel est ce déroulement mécanique de la matière ? Des mots absurdes deviennent vrais : mécanisme, matérialisme. »
Pierre Drieu la Rochelle
La Comédie de Charleroi, 1934, éditions Gallimard, coll. L’Imaginaire, 1996
« Nous possédons un héritage spirituel qui n’a rien à envier à ceux des autres grandes civilisations, mais nous ne le savons pas ou nous le savons mal. À l’immense crise spirituelle du nihilisme occidental, il faut apporter nos propres réponses. Les hommes n’existent que par ce qui les distingue : clan, lignée, histoire, culture, tradition. Il n’y a pas de réponse universelle aux questions de l’existence et du comportement. Chaque civilisation a sa vérité et ses dieux, tous respectables pour autant qu’ils ne nous menacent pas. Chaque civilisation apporte ses réponses, sans lesquelles les individus, hommes ou femmes, privés d’identité et de modèles, sont précipités dans un trouble sans fond. Comme les plantes, les hommes ne peuvent se passer de racines. Il appartient à chacun de retrouver les siennes. »
Dominique Venner
Le Choc de l’histoire, éditions Via Romana, 2011
« La guerre est la politique originelle de tout ce qui vit, et ceci jusqu’au point que la lutte et la vie sont, dans leur profondeur, une seule et même chose, et qu’avec la volonté de lutte, c’est aussi l’être qui s’éteint. »
Oswald Spengler
Écrits historiques et philosophiques. Pensées, éditions Copernic, 1980
« On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l’esprit y est visible et son action toujours présente. Il en était ainsi de ce pays ; dans le déroulement des saisons, dans le service des dieux et dans la vie humaine, aucune fête n’était concevable sans poésie. Mais le poète avait surtout durant les fêtes des morts, après la consécration du cadavre, la fonction de juge des morts. C’est à lui qu’il appartenait de jeter sur l’existence du disparu le regard des dieux et de la célébrer dans le poème comme le plongeur dégage la perle hors du coquillage. Dès les origines il existait deux degrés dans l’honneur funèbre, dont le plus usité était l’élégeion. L’élégéion était comme l’offrande qu’il convenait d’apporter à une vie honnêtement passée dans l’amertume et la joie mêlées, telle qu’elle nous est échue à nous autres hommes. »
Ernst Jünger
Sur les falaises de marbre (Auf den Marmorklippen) 1939, trad. Henri Thomas, éditions Gallimard 1942, coll. L’Imaginaire, 2017
« Notre vie sur terre ne constitue nullement un but en soi, mais n’est seulement qu’une parcelle infime de notre être éternel, qui nous pousse graduellement, par la lente action du temps, vers le divin. »
Robert Steuckers
Préface au livre Le pèlerin entre deux mondes (Der Wanderer zwischen beiden Welten) de Walter Flex, 1916, trad. Philippe Marcq, éditions ACE, 2020
« Un homme n’existe et n’a de signification qu’à travers son clan, son peuple, sa cité. »
Dominique Venner
Histoire et tradition des Européens, Éditions du Rocher, coll. Histoire, 2002
« L’homme qui importe vit de telle manière que son existence soit un sacrifice à son idée. Le sens que l’on donne à sa propre vie est un témoignage de respect envers soi-même. »
Oswald Spengler
Écrits historiques et philosophiques. Pensées, éditions Copernic, 1980
« Exister, c’est combattre ce qui me nie. Être rebelle, ce n’est pas collectionner des livres impies, rêver de complots fantasmagoriques ou de maquis dans les Cévennes. C’est être à soi-même sa propre norme. S’en tenir à soi quoi qu’il en coûte. Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre tout le monde à dos que se mettre à plat ventre. Pratiquer aussi en corsaire et sans vergogne le droit de prise. Piller dans l’époque tout ce que l’on peut convertir à sa norme, sans s’arrêter sur les apparences. Dans les revers, ne jamais se poser la question de l’inutilité d’un combat perdu. »
Dominique Venner
Le Cœur rebelle, Les Belles Lettres, 1994, réédition Pierre-Guillaume de Roux, 2014
« Nous sommes pris dans une alternative qui ne nous permet plus d’exister médiocrement ; il nous faut vivre plus puissamment, ou bien disparaître, nous surpasser ou nous abolir. […] La tragédie essentielle n’est pas de savoir quels dangers nous menacent, mais de définir d’abord ce qu’ils menacent en nous, car il importerait assez peu que nous fussions détruits, si nous avions rendu cette destruction légitime en ne valant presque rien. »
Abel Bonnard
Les Modérés, éditions Grasset, 1936
« La haute montagne peut permettre à certains d’assouvir leur goût stupide du risque pour le risque ; elle peut permettre à des gens plus ou moins « entraînés » et inconscients de pratiquer une activité sportive banale ; elle peut être le luxe que se paient des hommes à l’esprit étroit pétrifiés par la « civilisation » des plaines de regarder à la jumelle des « panoramas » touristiques. Mais, pour d’autres, elle n’est rien de tout cela : elle est une voie de libération, de dépassement, d’accomplissement intérieur.
Les deux grands pôles de la vie à l’état pur, l’action et la contemplation, s’y confondent.
L’action, c’est la responsabilité absolue, le fait de se sentir absolument seul, de ne pouvoir compter que sur sa force et son courage, joints à une maîtrise de soi lucide et chirurgicale.
La contemplation, c’est l’essence même de cette expérience héroïque : le regard devient circulaire et solaire, il n’y a plus que le ciel et des forces pures et libres qui reflètent et figent l’immensité dans le chœur titanique des sommets. »
Julius Evola
Méditations du haut des cimes (Meditazioni delle vette), 1974, trad. Bruno Cariou, Les éditions du Lore, 2012
« Les Africains ne connaissent qu’un seul moyen pour rétablir l’équilibre infiniment changeant des circonstances. Il faut concéder une réparation. Comme l’eau qui afflue là où le niveau a baissé, ils cherchent à combler les trous creusés par le destin, et les motifs d’un acte ne les intéressent quasiment pas. Si quelqu’un surprend son ennemi en pleine nuit et lui tranche la gorge, ou si on écrase un passant imprudent en abattant un arbre, les conséquences sont les mêmes. La société a subi un préjudice qu’il faut réparer le mieux possible. L’Africain ne se soucie pas de la question de responsabilité ou d’intérêt, soit qu’il considère que cela risquerait de se révéler une tâche interminable, soit parce qu’il juge que cela ne le concerne pas. En revanche, il se plonge dans des calculs complexes pour déterminer comment un crime ou un accident sera réparé par un tel nombre de chèvres ou de moutons. »
Karen Blixen
La ferme africaine (Out of Africa), 1937, éditions Gallimard, 1942, coll. Folio, 2006