« On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l’esprit y est visible et son action toujours présente. Il en était ainsi de ce pays ; dans le déroulement des saisons, dans le service des dieux et dans la vie humaine, aucune fête n’était concevable sans poésie. Mais le poète avait surtout durant les fêtes des morts, après la consécration du cadavre, la fonction de juge des morts. C’est à lui qu’il appartenait de jeter sur l’existence du disparu le regard des dieux et de la célébrer dans le poème comme le plongeur dégage la perle hors du coquillage. Dès les origines il existait deux degrés dans l’honneur funèbre, dont le plus usité était l’élégeion. L’élégéion était comme l’offrande qu’il convenait d’apporter à une vie honnêtement passée dans l’amertume et la joie mêlées, telle qu’elle nous est échue à nous autres hommes. »
Ernst Jünger
Sur les falaises de marbre (Auf den Marmorklippen) 1939, trad. Henri Thomas, éditions Gallimard 1942, coll. L’Imaginaire, 2017