« La frontière courait sur quelque quatre cent soixante-dix lieues face à l’est et au nord-est. Elle franchissait d’interminables forêts, noir et argent durant le long hiver, des plaines spongieuses semées de lacs dont l’eau avait la couleur du plomb, des marécages qui disparaissaient sous des océans de roseaux et des rivières roulant leurs flots boueux vers des destinations incertaines. Elle escaladait des collines au relief tourmenté qu’un ciel bas faisait apparaître comme autant de montagnes infranchissables dont les sommets se confondaient avec l’épais plafond des nuages. Face au nord, elle se perdait dans l’infini de la taïga au-delà de laquelle s’étendait une mer glauque hérissée de rochers battus par des vents furieux, mais nul voyageur, nul marin, hormis le commodore Liechtenberg en 1631, ne s’était avancé jusqu’à ces rivages. »
Jean Raspail
Les royaumes de Borée, éditions Albin Michel, 2003