« Qu’est-ce qui distingue fondamentalement l’Empire de la nation ? C’est d’abord le fait que l’Empire n’est pas seulement un territoire, mais aussi, et même essentiellement, un principe ou une idée. […] L’essentiel tient au fait que l’empereur tient son pouvoir de ce qu’il incarne un principe qui excède la simple possession. En tant que dominus mundi, il est le suzerain des princes et des rois, c’est-à-dire qu’il règne sur des souverains, non sur des territoires, et représente une puissance transcendant les communautés fédérées dont il assume la direction. […] Evola rappelle également que « l’ancienne notion romaine de l’imperium, avant d’exprimer un système d’hégémonie territoriale supranationale, désigne la pure puissance du commandement, la force quasi mystique de l’auctoritas » […]
L’Empire vise à unifier à un niveau supérieur sans supprimer la diversité des cultures, des ethnies et des peuples. Il cherche à associer les peuples à une communauté de destin, sans pour autant les réduire à l’identique. Il est un tout où les parties sont d’autant plus autonomes que ce qui les réunit est plus solide – et ces parties qui le constituent restent des ensembles organiques différenciés. Moeller van den Bruck plaçait l’Empire sous le signe de l’unité des contraires, et c’est une image qu’on peut en effet retenir. Julius Evola, lui, définissait l’Empire comme « une organisation supranationale telle que l’unité n’agisse pas dans le sens d’une destruction et d’un nivellement de la multiplicité ethnique et culturelle qu’elle englobe ». C’est l’image classique de l’universitas, par opposition à la societas unitaire et centralisée. La différence n’y est pas abolie, mais intégrée. »
Alain de Benoist
L’empire intérieur, éditions Fata Morgana, 1995