« Puis-je dire je de cet individu abstrait, bon sauvage et promeneur solitaire, sans passé, sans avenir, sans attaches, sans chair, sur qui est descendu le feu d’une Pentecôte qui n’unit point : sa liberté souveraine. Le monde moderne l’a voulu suffisant comme un dieu, léger de tous liens et vivant du précieux déroulement de sa spontanéité. Il s’est représenté le dévouement, la communion, le don sous l’image grossièrement spatiale de l’extériorité et s’est persuadé, en rejoignant son égoïsme foncier par une habile délicatesse morale, que tout rapport avec l’autre est une odieuse contrainte […]. On veut l’individu si léger et intérieur à lui-même que ses propres décisions l’importunent. Il sent peser même son poids, sa volonté lui est à charge et avec elle toute fidélité à une épaisseur de temps. »
Emmanuel Mounier
« Pour une réhabilitation de la communauté », in Krisis n°16, juin 1994