« La France a per­du ses mœurs. Non pas que les hommes de notre géné­ra­tion soient, en effet, pires que leurs pères… Quand je dis que la France a per­du ses mœurs, j’entends, qu’elle a ces­sé de croire à ses prin­cipes. Elle n’a plus ni intel­li­gence ni conscience morale, elle a per­du jusqu’à la notion de mœurs. Nous sommes arri­vés, de cri­tique en cri­tique, à cette triste conclu­sion : que le juste et l’injuste, dont nous pen­sions jadis avoir le dis­cer­ne­ment, sont termes de conven­tion, vagues, indé­ter­mi­nables ; que tous ces mots : Droit, Devoir, Morale, Ver­tu, etc., dont la chaire et l’école font tant de bruit, ne servent à cou­vrir que de pures hypo­thèses, de vaines uto­pies, d’indémontrables pré­ju­gés ; qu’ainsi la pra­tique de la vie, diri­gée par je ne sais quel res­pect humain, par des conve­nances, est au fond arbitraire. »

Pierre-Joseph Prou­dhon
Cité par Georges Sorel dans Réflexions sur la vio­lence, 1908, coédi­tions Krisis/La Nou­velle Librai­rie, 2023