« Lorsqu’on recherche et qu’on découvre les véritables causes du combat, on honore l’héroïsme, on l’honore partout, et tout d’abord chez l’ennemi. C’est pourquoi, après une guerre, la réconciliation devrait d’abord se faire entre adversaires combattants. J’écris en tant que guerrier, ce qui n’est peut-être pas d’actualité. Mais pourquoi donc, nous, combattants, ne chercherions-nous pas à nous rencontrer et à nous accorder sur notre propre terrain, celui du courage viril ? Nous ne risquerons pas une déception plus grande que celle qu’éprouvent chaque jour, dans leur propre domaine, les hommes d’État, les artistes, les savants et même les mystiques. N’avons-nous pas serré la main qui venait de nous lancer une grenade, alors que ceux de l’arrière s’enfonçaient toujours plus profondément dans les broussailles de leur haine ? N’avons-nous pas planté des croix sur les tombes de nos ennemis ? »
Ernst Jünger
La Guerre notre Mère (Der Kampf als inneres Erlebnis), 1922, trad. Jean Dahel, éditions Albin Michel, 1934