« Les institutions telles que mariage, famille, travail, droit, science etc., avec tous les dispositif afférents, ressemblent au langage dans la mesure où elles produisent l’automatisme d’une entente mutuelle et préalable, qui rend possible, dans le cadre de leurs limites et règles, tous les raffinements, enrichissements et approfondissements imaginables des thèmes qu’on peut y enfourner. […] Nulle part ailleurs il n’est de « nature » sous-jacente à la superstructure institutionnelle, et de « noblesse » encore moins : mais des contraintes, des agressions, du « vécu » et un laisser-aller de soi-même proprement inexcusable. L’humain ne sait pas ce qu’il est, d’où vient qu’il ne peut se réaliser lui-même directement, il doit entrer en médiation avec lui-même par le biais des institutions. Oppositions et tensions n’ont nul besoin d’être conciliées, mais d’être institutionnalisées, pour mieux en débattre selon les règles, et contre le choc surpuissant du carnaval égalitaire qui se prétend souverain, on ne trouvera protection qu’au sein des aménagements susceptibles d’être défendus. »
Arnold Gehlen
Morale et hypermorale, trad. François Poncet, Paris, Krisis, 2023