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Le livre
Morale et hypermorale

Morale et hypermorale

Auteur : Arnold Geh­len
Édi­teur : édi­tions La Nou­velle Librairie/Krisis (16 février 2023)

Pré­sen­ta­tion de l’é­di­teur : Jusqu’où peut s’étendre le règne de la morale ? C’est la ques­tion que sou­lève le phi­lo­sophe et socio­logue Arnold Geh­len dans cet ouvrage lucide et péné­trant. Esprit non-confor­miste, spé­cia­li­sé dans l’étude du com­por­te­ment humain, il s’y livre à une attaque en règle contre les auto­ri­tés morales, mar­xistes et chré­tiennes, de son temps, ce qui lui vau­dra les cri­tiques de l’intelligentsia bien-pen­sante. À rebours d’une pen­sée « huma­ni­ta­riste » et uni­ver­sa­liste, fon­dée sur l’hypertrophie des bons sen­ti­ments, Geh­len pos­tule que la morale est engen­drée par les ins­ti­tu­tions. Fruit d’un héri­tage pré­cis, elle ne peut être que plu­rielle. Plai­der en faveur d’une morale unique, c’est ain­si se ral­lier à un pro­jet d’uniformisation tota­li­taire. Une tra­duc­tion fran­çaise inédite d’un livre capi­tal pour com­prendre – et réfu­ter – l’empire de la mora­line qui règne aujourd’hui.

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Découvrez 9 citations extraites du livre

D’un côté, dans les institutions, les finalités de la vie sont appréhendées...

« D’un côté, dans les ins­ti­tu­tions, les fina­li­tés de la vie sont appré­hen­dées et pour­sui­vies en com­mun, de l’autre, les humains s’orientent vers des sen­ti­ments et des actes pré­cis, har­mo­ni­sés entre eux, avec le béné­fice inap­pré­ciable d’une sta­bi­li­sa­tion éten­due à la vie inté­rieure, qui leur évite d’être contraints à tout bout de champ à des com­pli­ca­tions affec­tives ou de pénibles déci­sions de prin­cipe. Ce déles­tage a des réper­cus­sions pro­duc­tives, car la bien­fai­sante absence d’interrogations qui s’installe lorsque l’individu est por­té, inté­rieu­re­ment et exté­rieu­re­ment, par un écha­fau­dage de règles, libère des éner­gies qui s’orientent vers le haut. Elles se trouvent ain­si enca­drées, on leur donne libre cours dans le sens de l’état de choses exis­tant, où elles peuvent s’épanouir. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

La famille a produit une morale intime élevée...

« La famille a pro­duit une morale intime éle­vée, propre à toute ampli­fi­ca­tion, indis­pen­sable à la san­té psy­chique au long de l’existence entière ; mais tout ce qui touche à la gran­deur : l’État, la reli­gion, les arts, les sciences, s’est édi­fié en dehors de sa sphère, même l’économie n’a pris ses véri­tables dimen­sions qu’une fois déga­gée de ses liens. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

Les utopies éthico-politiques démontrent, par leur théâtre d’ombres...

« Les uto­pies éthi­co-poli­tiques démontrent, par leur théâtre d’ombres, ou par l’allure paro­dique de leurs concré­ti­sa­tions, que la réa­li­té est rebelle à l’éthique pure” – cela fait par­tie des véri­tés de base. Un tel sys­tème idéal doit se gar­der une porte secrète par où le réel puisse entrer et sor­tir, ou bien se conten­ter d’un pres­tige de façade, voile rhé­to­rique jeté sur des inté­rêts fort tan­gibles ; à moins que l’idéal ne ronge une réa­li­té sociale qui lui est fon­ciè­re­ment étrangère. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

Qui se risque à citer Goethe...

« Qui se risque à citer Goethe et son « Il est en l’homme un appé­tit de ser­vir » craint déjà de se rendre ridi­cule, alors qu’on vit dans un monde où la cri­tique égra­tigne par prin­cipe le devoir de loyau­té aux valeurs supra-sub­jec­tives. Quand on dit que le ser­vice des ins­ti­tu­tions est une « alié­na­tion », on est certes dans le vrai, mais cette alié­na­tion est la liber­té même, la dis­tance qu’on met entre soi et soi, et qui repousse ce qui s’est dépo­sé plus ou moins par hasard dans la tête et le cœur, lorsqu’on les livre assez long­temps aux mani­pu­la­teurs d’opi­nion. On peut s’estimer tenu de res­pec­ter les opi­nions des autres, mais en avoir soi-même est un vice, car c’est par elles que cer­tains milieux bien iden­ti­fiables légi­ti­ment le déli­te­ment des ins­ti­tu­tions, pour mieux conver­tir la socié­té en un amas de particularismes. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

Les institutions sont en droit de poser leurs exigences, car elles nous font tenir debout...

« On sait qu’en tout temps le ser­vice d’une com­mu­nau­té orga­ni­sée a pos­sé­dé l’incomparable valeur d’une réponse effec­tive au pro­blème du sens, au-delà même du devoir. Se lais­ser consu­mer par les ins­ti­tu­tions ouvre à cha­cun une voie vers la digni­té, et qui fait son devoir pos­sède un motif que nul autre ne sau­rait battre en brèche. Il n’y a pas de « toute morale est renon­ce­ment, et rien d’autre », comme le pen­sait Oswald Spen­gler […], mais les ins­ti­tu­tions sont en droit de poser leurs exi­gences, car elles nous font tenir debout ; lais­sés à leur natu­rel, les hommes ne savent que se rela­ti­vi­ser l’un l’autre à l’infini. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

Les institutions telles que mariage, famille, travail, droit...

« Les ins­ti­tu­tions telles que mariage, famille, tra­vail, droit, science etc., avec tous les dis­po­si­tif affé­rents, res­semblent au lan­gage dans la mesure où elles pro­duisent l’automatisme d’une entente mutuelle et préa­lable, qui rend pos­sible, dans le cadre de leurs limites et règles, tous les raf­fi­ne­ments, enri­chis­se­ments et appro­fon­dis­se­ments ima­gi­nables des thèmes qu’on peut y enfour­ner. […] Nulle part ailleurs il n’est de « nature » sous-jacente à la super­struc­ture ins­ti­tu­tion­nelle, et de « noblesse » encore moins : mais des contraintes, des agres­sions, du « vécu » et un lais­ser-aller de soi-même pro­pre­ment inex­cu­sable. L’humain ne sait pas ce qu’il est, d’où vient qu’il ne peut se réa­li­ser lui-même direc­te­ment, il doit entrer en média­tion avec lui-même par le biais des ins­ti­tu­tions. Oppo­si­tions et ten­sions n’ont nul besoin d’être conci­liées, mais d’être ins­ti­tu­tion­na­li­sées, pour mieux en débattre selon les règles, et contre le choc sur­puis­sant du car­na­val éga­li­taire qui se pré­tend sou­ve­rain, on ne trou­ve­ra pro­tec­tion qu’au sein des amé­na­ge­ments sus­cep­tibles d’être défendus. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

S’il subsiste une culture digne de ce nom...

« S’il sub­siste une culture digne de ce nom, c’est parce que des jeunes gens gran­dissent au sein d’institutions rai­son­nables, qu’un long pas­sé de suc­cès rend légi­times ; faute de quoi des legs irrem­pla­çables seront dila­pi­dés : la dis­ci­pline, la patience, l’évidence, et des inhi­bi­tions qu’on ne sau­rait jus­ti­fier logi­que­ment, mais que l’on peut sup­pri­mer, avant d’être for­cé de les réta­blir par la vio­lence. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

Le Léviathan prend de plus en plus les allures d’une vache à lait...

« Le Lévia­than prend de plus en plus les allures d’une vache à lait, ses fonc­tions d’auxiliaire de pro­duc­tion, légis­la­teur social et gui­chet de ver­se­ment prennent le pas sur les autres, on a ouvert si grand les portes à l’éthos huma­ni­ta­ro-eudé­mo­niste que celui du ser­vice et du devoir, apa­nage de l’institution, a com­plè­te­ment dis­pa­ru du lan­gage public et des codes des mass-médias, et n’y sus­cite plus guère que l’hilarité. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

Est diabolique celui qui instaure le règne du mensonge...

« Est dia­bo­lique celui qui ins­taure le règne du men­songe et contraint d’autres humains à y demeu­rer. Cela va plus loin que la flé­tris­sure d’une relé­ga­tion spi­ri­tuelle, on ins­taure là le règne du monde à l’envers, où l’Antéchrist porte le masque du Rédemp­teur, comme dans la fresque de Signo­rel­li sur les murs d’Orvieto. Le diable n’est pas celui qui tue, il est Dia­bo­los, le calom­nia­teur, il est le dieu pour qui le men­songe n’est pas pleu­tre­rie, comme il l’est chez l’homme, mais pou­voir sou­ve­rain. Il fait crou­ler le der­nier ori­fice lais­sé au déses­poir, la connais­sance, il ins­ti­tue l’empire de l’insane, car il faut être dément pour faire du men­songe sa demeure. »

Arnold Geh­len
Morale et hyper­mo­rale, trad. Fran­çois Pon­cet, Paris, Kri­sis, 2023

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