« Ne le dites à personne, aux sages seulement,
Puisque la foule raille aussitôt !
La vie qui cherche la mort dans les flammes,
Est celle seule que j’entends célébrer.
Dans la fraîcheur des nuits d’amour
Où tu reçus la vie, où tu donnas la vie,
Un sentiment étrange t’envahit
Tandis que luit dans le silence une chandelle.
Alors l’obscurité ne te tient plus
Prisonnier de ton ombre,
Et une ardeur te porte
À désirer la création suprême.
Nulle distance n’entrave ton élan,
Des ailes te portent, un charme t’est jeté,
Et enfin, assoiffé de lumière,
Tu péris, paillon, dans les flammes !
Et tant que tu n’auras pas cela,
Ce : meurs et deviens !
Tu ne seras qu’un triste voyageur
Sur cette terre obscure. »
Johann Wolfgang von Goethe
Nostalgie bienheureuse (Selige Sehnsucht), in West-östlicher Divan, 1819