« […] Le laisser-aller langagier est la concession majeure faite aux esclaves mondialisés par des maîtres qui, n’en sachant eux-mêmes guère plus sur la langue, ne peuvent qu’abonder dans le sens des esclaves, en une langue infiniment divertie d’elle-même. Rien n’est grave, dans le monde horizontal, puisqu’il n’y a plus ni événement, ni valeur, ni sens, et que l’individu y règne en lieu et place des peuples : il est, l’individu, la synecdoque misérable du peuple. De la même façon que le sujet s’est éteint dans l’avènement de l’individu, on peut dire que la langue française est morte avec l’avènement de sa mauvaise conscience au sein de la communication. Mauvaise conscience qui, doublée d’une efficacité politique, conduit à l’anglais plus sûrement que le divertissement hollywoodien. »
Richard Millet
Arguments d’un désespoir contemporain, Hermann éditeurs, 2011