« Toujours dans le lit du ruisseau, avec de l’eau jusqu’à mi-roue, je pénétrai sous la forêt qui montait en pente douce vers le flan d’un petit morne. Une centaine de mètres plus loin, le ruisseau prenait sa source et je dus abandonner ma jeep et poursuivre à pied, enjambant les troncs d’arbres pourris de cette jungle alpine. Je marchai environ une demi-heure jusqu’au sommet du petit morne et là, à travers un rideau de verdure d’où tombaient d’épaisses gouttes de pluie, j’entrevis à nouveau, au loin, les sombres pentes du massif de la Selle. Malgré mes efforts, il semblait ne pas s’être approché d’un mètre et puis ses sommets disparurent au milieu de lourds nuages gorgés d’eau. Je restai là quelques temps à rêver, les yeux fixés sur la muraille de pluie. C’est ainsi que les mythes demeurent, plus nécessaires à l’homme que le pain. »
Jean Raspail
La hache des steppes, éditions Robert Laffont, 1974