« Cette idée d’un bien à sauver et à transmettre est à la base du code d’honneur paysan. Elle s’oppose à toutes les tentations de l’individualisme : l’homme, anneau dans une chaîne, sent obscurément qu’il doit résister jusqu’au bout pour que la chaîne ne se brise pas. C’est cet instinct de continuité qui courbe jusqu’à la mort le vieux paysan sur la terre et lui inspire cette horreur quasi physique de tomber à la charge de ses enfants ou de ses proches. Et c’est de lui que procède aussi ce savoir-vivre dont la délicatesse et la profondeur débordent à l’infini le savoir-faire. Tout dans la conduite de l’existence, depuis le menu quotidien jusqu’au choix d’une épouse, est dominé par ce sentiment du patrimoine qui, comme le flambeau ambulant des coureurs antiques, lie l’individu à son rang et le transporte au-delà de lui-même. »
Gustave Thibon
Paysages du Vivarais, 1949