« Un grec doit savoir se contenir et jouir de ce qu’il reçoit dans les limites de la disposition naturelle. (…) L’impératif de la mémoire irrigue la philosophie grecque. Et constituera l’un des enjeux des poèmes. Rien de trop, était-il écrit sur le portique de Delphes. Cela ne veut pas dire que point trop n’en faut. Cela signifie qu’il convient de savoir s’arrêter aux parapets du monde. Tout dépassement mènera au pire. Tout ce qui brille trop, éclate ou triomphe inconsidérément, subira un jour un retour de bâton. L’Iliade insiste en permanence sur ce revirement de la force. Le vainqueur se trouvera un jour défait. Les héros s’enfuiront après avoir gagné. Les Achéens se débanderont après s’être approchés des Troyens qui, eux-mêmes, reculeront à la suite d’un assaut réussi. La force est un balancier. Elle va et vient… périront de l’avoir utilisée sans modération. »
Sylvain Tesson
Un été avec Homère, Éditions des Équateurs, 2018