« C’est le matin que les pro­fes­seurs et les poli­ciers réclament, que les phi­lo­sophes ont exal­té depuis deux siècles, le matin de l’uniformité, du réflexe condi­tion­né, du meilleur des mondes, de l’ordre abso­lu, de la réa­li­té éga­li­taire, de la gri­saille, de la réac­tion uni­forme à un sti­mu­lus uni­forme, le matin où une cloche qui tin­te­ra fera prendre aux mou­tons le che­min du pâtu­rage. C’est aus­si le matin pour la venue duquel nous prions dans nos orga­ni­sa­tions indus­trielles, dans nos fermes col­lec­tives, dans nos conciles ecclé­sias­tiques, dans nos sys­tèmes de gou­ver­ne­ment, dans nos rap­ports entre États, dans nos nobles demandes d’un gou­ver­ne­ment mon­dial. C’est le matin auquel nous aspi­rons lorsque nous for­mu­lons la prière d’être un jour tous les mêmes. C’est le matin contre la venue duquel, qu’ils le sachent ou non, les jeunes élèvent leur pro­tes­ta­tion. Et c’est un matin, il faut l’espérer, qui ne vien­dra jamais. »

Robert Ardrey
La loi natu­relle, édi­tions Stock, 1971