« Devant le grand miroir de la pièce à quatre nattes et demie elle se regarda. Les taches de sang formaient, sur la moitié inférieure de son kimono blanc, un dessin hardi et violent. Lorsqu’elle s’assit devant le miroir elle sentit sur ses cuisses quelque chose de froid et d’humide ; c’était le sang de son mari. Elle frissonna. Puis elle prit à loisir le temps de s’apprêter. (…) Ce n’était plus se maquiller pour plaire à son mari. C’était se maquiller pour le monde qu’elle allait laisser derrière elle ; il y avait dans son application quelque chose de somptueux et de théâtral. Lorsqu’elle se leva, la natte devant le miroir était trempée de sang. Elle n’allait pas s’en soucier. »
Yukio Mishima
Patriotisme, 1961, in La mort en été, trad. Geoffrey W. Sargent puis Dominique Aury, éditions Gallimard 1983, coll. Folio, 1988