« Lentement, des profondeurs internes, la douleur irradiait le ventre entier. Des cloches en folie sonnaient, mille cloches ensemble à chaque souffle, à chaque battement du pouls, ébranlant tout son être. Le lieutenant ne pouvait plus s’empêcher de gémir. Mais la lame était arrivée à l’aplomb du nombril et, lorsqu’il le constata, il fut content et reprit courage.
Le volume de sang répandu avait régulièrement augmenté et commençait à jaillir de la blessure au rythme même du pouls. La natte devant le lieutenant était trempée de rouge pas les éclaboussures du sang qui continuait à s’écouler des flaques que retenait de ses plis le pantalon d’uniforme. Une goutte unique s’envola comme un oiseau jusqu’à Reiko pour se poser sur ses genoux et tacher sa robe blanche. »
Yukio Mishima
Patriotisme, 1961, in La mort en été, trad. Geoffrey W. Sargent puis Dominique Aury, éditions Gallimard 1983, coll. Folio, 1988