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Citations sur le progrès
Il est inutile de se faire des illusions avec les chimères…
« Il est inutile de se faire des illusions avec les chimères d’un quelconque optimisme : nous nous trouvons aujourd’hui à la fin d’un cycle. Depuis des siècles déjà, tout d’abord de façon insensible, puis avec le mouvement d’une avalanche, de multiples processus ont détruit, en Occident, tout ordre normal et légitime des hommes, ont faussé les conceptions les plus hautes de la vie, de l’action, de la connaissance et du combat. Et le mouvement de cette chute, sa vitesse, son côté vertigineux, a été appelé “progrès”. Et des hymnes au “progrès” furent entonnés, et l’on eut l’illusion que cette civilisation – civilisation de matière et de machine – était la civilisation par excellence, celle à laquelle toute l’histoire du monde était pré-ordonnée : jusqu’à ce que les conséquences ultimes de tout ce processus fussent telles qu’elles provoquèrent, chez certains, un réveil. »
Julius Evola
Orientations (Orientamenti), 1950
Car elle aimait la flamme…
On a pas hésité à donner à l’homme bon une valeur supérieure…
« On a pas hésité à donner à l’homme “bon” une valeur supérieure dans le sens du progrès, de l’utilité, de la prospérité de l’homme. Et si le contraire était vrai ? Et s’il y avait chez le “bon” aussi un symptôme de régression qui permettrait au présent de vivre en quelque sorte aux dépens de l’avenir ? »
Friedrich Nietzsche
La Généalogie de la morale – Un écrit polémique (Zur Genealogie der Moral – Eine Streitschrift), 1887, trad. Patrick Wotling, éditions Le Livre de Poche, 2000
Le progrès est l’injustice que chaque génération…
« Le progrès est l’injustice que chaque génération commet à l’égard de celle qui l’a précédée. »
Emil Cioran
De l’inconvénient d’être né, éditions Gallimard, 1973
Nous sommes, comme Achille, poursuivis par les eaux…
« En termes écologiques, on dit que les signaux d’alerte sont dans le rouge. En termes mythologiques, on dit que les fleuves débordent de dégoût. Nous sommes, comme Achille, poursuivis par les eaux. Nous ne comprenons pas encore qu’il faut ralentir notre course vers ce gouffre que nous continuons sottement à appeler le progrès. »
Sylvain Tesson
Un été avec Homère, Éditions des Équateurs, 2018
Les biens nouveaux font naître le besoin de les posséder…
« Quand une invention nouvelle apparaît, si elle n’est pas terrifiante, l’imagination des hommes l’accueille comme une fiancée. Mais ce mouvement d’espérance n’est pas sans effet sur eux-mêmes. Les biens nouveaux font naître le besoin de les posséder, la possibilité de les fabriquer et de les vendre par immenses quantités donne des ailes à la cupidité. Ces sentiments nouveaux avaient cru avec fureur. Ce fut une herbe qui envahit tout. Le capitalisme était né dans le désordre de la liberté. »
Maurice Bardèche
Sparte et les Sudistes, éditions Les Sept Couleurs, 1969
La France a inventé la modernité à partir du XVIIe siècle…
« La France a inventé la modernité à partir du XVIIe siècle, avec le cartésianisme et la philosophie des Lumières. Sans doute est-ce pour cela qu’elle éprouve une énorme difficulté à aborder le changement de paradigme en jeu aujourd’hui. Nous ne voulons pas voir que les valeurs modernes — raison, progrès, travail — ne constituent plus une matrice féconde. Alors, on parle de « modernité seconde », de « modernité tardive », de « modernité avancée ». Prenez la crise : selon moi, elle est bien plus qu’une crise financière. Elle est crise au sens étymologique de « crible ». Nous sommes en train de vivre le passage au tamis des valeurs de la modernité.
[…] Notre pays a peur de la postmodernité. Il vit un processus de rétraction. Nous sommes retournés aux grandes valeurs du XIXe siècle : l’État providence, le fonctionnariat, la crainte de devoir se débrouiller avec la vie. »
Michel Maffesoli
Il n’y a de pensée que lorsqu’il y a risque, L’Express, 15 août 2012
Un peuple étant un complexe de rapports, d’attitudes…
« Un peuple étant un complexe de rapports, d’attitudes, il y a une autre menace qui pèse sur lui, autre que la destruction physique, autre que la perte d’indépendance : c’est celle de la dissolution si les hommes ne se sentent plus membres d’un même corps, si le climat de confiance qui unit ces citoyens disparaît, si les symboles qu’ils ont en commun n’ont plus le même sens pour les uns et pour les autres, en un mot si l’existence morale du peuple disparaît. Et cette perte de l’existence morale n’est pas due à des causes extérieures et soudaines : elle est due à des phénomènes intérieurs et dissociateurs, qui sont des sous-produits du progrès. »
Bertrand de Jouvenel
Du Principat et autres réflexions politiques, 1958, éditions Hachette, 1972
Affirmer que ce qui existe doit exister…
« Affirmer que ce qui existe doit exister, c’est évidemment une erreur de raisonnement ; mais le contraire d’une erreur n’est pas forcément une vérité : et en l’occurrence, affirmer de manière opposée que ce qui existe doit être remplacé, que l’innovation est forcément un bien — regarder l’histoire comme étant forcément l’occasion d’un progrès, c’est aussi une erreur de raisonnement, non moins absurde, et non moins dangereuse. »
François-Xavier Bellamy
Demeure. Pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, Éditions Grasset, 2018