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Un monde absolument hostile, qui n’est pas fait pour l’homme…

« Un monde abso­lu­ment hos­tile, qui n’est pas fait pour l’homme, et qui l’attire pour­tant comme un des der­niers défis de notre pla­nète trop civi­li­sée ! Et certes, il faut être très civi­li­sé pour appré­cier cette aber­ra­tion, le choix volon­taire de se pri­ver du confort de la vie moderne. Il faut être reve­nu de beau­coup de choses, avoir épui­sé beau­coup de plai­sirs, pour goû­ter les délices de la fatigue, du froid, de la peur, de la souf­france… Mais c’est à ce prix seule­ment que l’homme à l’âme terne, ras­sa­sié de bien-être et de sécu­ri­té peut se sen­tir à nou­veau exister. »

Anne-Laure Boch
L’Euphorie des Cimes, Édi­tions Trans­bo­réales, 2011

Le mystère de l’Histoire est un mystère aristocratique…

« Le mys­tère de l’Histoire est un mys­tère aris­to­cra­tique. Il s’accomplit par la mino­ri­té. Celle-ci porte l’esprit de l’universel, lequel est un esprit aris­to­cra­tique. L’esprit de la majo­ri­té, celui de la démo­cra­tie est pro­vin­cial et par­ti­cu­la­riste. Dans l’Histoire, ce sont les mino­ri­tés et l’aristocratie qui dirigent. Se rebel­ler contre leur direc­tion, c’est por­ter atteinte aux mys­tères de l’Histoire. Vous ne réus­si­rez pas à détruire la dis­sem­blance onto­lo­gique des âmes, à effa­cer la dif­fé­rence entre les intel­li­gents et les sots, les doués et les inca­pables, les nobles et les vils, les beaux et les informes, ceux qui ont la grâce et ceux qui ne la portent pas. »

Nico­las Berdiaev
De l’inégalité, Édi­tions L’Âge d’homme, 2008

Il est de par le monde infiniment de ces points spirituels…

« Il est de par le monde infi­ni­ment de ces points spi­ri­tuels qui ne sont pas encore révé­lés, pareils à ces âmes voi­lées dont nul n’a recon­nu la gran­deur. Com­bien de fois, au hasard d’une heu­reuse et pro­fonde jour­née, n’avons-nous pas ren­con­tré la lisière d’un bois, un som­met, une source, une simple prai­rie, qui nous com­man­daient de taire nos pen­sées et d’écouter plus pro­fond que notre cœur ! Silence ! Les dieux sont ici. »

Mau­rice Barrès
La col­line ins­pi­rée, 1913, édi­tions du Rocher, 2005

Le vrai héros, le vrai sujet, le centre de l’Iliade, c’est la force…

« Le vrai héros, le vrai sujet, le centre de l’Iliade, c’est la force. La force qui est maniée par les hommes, la force qui sou­met les hommes, la force devant quoi la chair des hommes se rétracte. L’âme humaine ne cesse pas d’y appa­raître modi­fiée par ses rap­ports avec la force ; entraî­née, aveu­glée par la force dont elle croit dis­po­ser, cour­bée sous la contrainte de la force qu’elle subit.
Ceux qui avaient rêvé que la force, grâce au pro­grès, appar­te­nait désor­mais au pas­sé, ont pu voir dans ce poème un docu­ment ; ceux qui savent dis­cer­ner la force, aujourd’­hui comme autre­fois, au centre de toute his­toire humaine, y trouvent le plus beau, le plus pur des miroirs. »

Simone Weil
L’Iliade ou le poème de la force, 1941, édi­tions de l’é­clat, coll. Éclats, 2014

Nous avons perdu notre âme parce que nous…

« Nous avons per­du notre âme parce que nous avons per­du le sens des valeurs com­munes qui for­maient l’antique sagesse” de nos peuples. Il nous faut faire revivre l’âme des Hyper­bo­réens et redé­fi­nir” Dieu. Car le sacré ne se trouve pas hors de nous, mais en nous. Car Dieu n’est pas du Ciel, mais de la Terre. Car il ne nous attend pas après la mort, mais nous offre la créa­tion de la vie. Dieu n’est pas sur­na­tu­rel et il n’est pas trans­cen­dant. Il est au contraire la Nature et la Vie. Il est dans le soleil et dans les étoiles, dans le jour et dans la nuit, dans les arbres et dans les flots. Dieu naît avec les fleurs et meurt avec les feuilles. Dieu res­pire avec le vent et nous parle dans le silence de la nuit. Il est l’aurore et le cré­pus­cule. Et la brume. Et l’orage.
Dieu s’incarne dans la Nature. La Nature s’épanouit sur la Terre. La terre se per­pé­tue dans le Sang.
Nous savons, depuis Héra­clite, que la vie est un com­bat et que la paix n’est que la mort. Notre reli­gion se veut d’abord culte des héros, des guer­riers et des ath­lètes. Nous célé­brons, depuis les Grecs, les hommes dif­fé­rents et inégaux. Notre monde est celui du com­bat et du choix, non celui de l’égalité. L’univers n’est pas une fin mais un ordre. La nature diver­si­fie, sépare, hié­rar­chise. L’individu, libre et volon­taire devient le centre du monde. Sa plus grande ver­tu reste l’orgueil – péché suprême pour la reli­gion étran­gère. Dans notre concep­tion tra­gique de la vie, la lutte devient la loi suprême. Est un homme véri­table celui qui s’attaque à des entre­prises déme­su­rées. Une même ligne de crêtes unit Pro­mé­thée à Siegfried. »

Jean Mabire
Thu­lé : le soleil retrou­vé des Hyper­bo­réens, édi­tions Robert Laf­font, 1978, édi­tions Par­dès, 2002

L’héroïsme : cette sauvage création de soi par soi…

« L’héroïsme : cette sau­vage créa­tion de soi par soi et de l’homme par l’homme. Et les femmes exclues de cette ter­rible fête, sou­dain sté­riles lorsque les hommes n’ont plus besoin d’un ventre femelle pour enfan­ter des dieux. L’héroïsme : ce chant égoïste qui éclate. Me voi­ci ! Unique ! Écar­tez-vous ! Je n’ai plus de mère ou d’amante ; je n’ai plus de pas­sé ; je vais me mettre au monde. « Tu vas mou­rir ! » Oui, mais je serais né et j’aurais connu l’enivrement fou lorsque, dans mon corps et dans mon âme, j’ai éprou­vé la nais­sance véhé­mente d’un dieu. « Il ne se connaît plus ! » C’est vrai puis­qu’il s’invente. »

Jean Cau
Le Che­va­lier, la mort et le diable, édi­tions de La Table ronde, 1977

La liberté de l’individu exigeait désormais le rejet des identités reçues…

« La liber­té de l’individu exi­geait désor­mais le rejet des iden­ti­tés reçues et de les dénon­cer comme autant de pri­sons phy­siques et men­tales. Elle appe­lait la pros­crip­tion de ce qui liait, de ce qui durait et atta­chait, le congé­die­ment de tout ce qui avait jus­qu’i­ci déter­mi­né l’aventure de l’homme : ori­gine, filia­tion, paren­tèle, nation et autres com­mu­nau­tés natives ou natu­relles. Pour atteindre ce Graal de l’autonomie éman­ci­pa­trice, les rec­ti­fi­ca­tions des corps, les hybri­da­tions de l’âme, les bri­co­lages de soi deve­naient non seule­ment recom­man­dables mais recom­man­dés. On choi­si­rait désor­mais son iden­ti­té pas­sa­gère et sa com­mu­nau­té d’appartenance comme on choi­sis­sait un for­fait d’opérateur télé­pho­nique ou un four­nis­seur d’accès à Inter­net, mais avec l’option de rési­lia­tion ins­tan­ta­née. L’homme, deve­nu autoen­tre­pre­neur de lui-même, ne ren­con­tre­rait plus d’obstacle à son auto­sa­tis­fac­tion au sein de la socié­té de l’indétermination illimitée. »

Patrick Buis­son
La Cause du peuple, édi­tions Per­rin, 2016

Ce n’est pas à partir d’un au-delà que la divinité…

« Ce n’est pas à par­tir d’un au-delà que la divi­ni­té œuvre dans le for inté­rieur de l’homme, ou dans son âme, mys­té­rieu­se­ment unie à elle. Elle ne fait qu’un avec le monde. Elle vient au-devant de l’homme à par­tir des choses du monde, quand il est en che­min et prend part au branle vivant du monde. L’homme fait l’expérience du divin non par un repli sur soi, mais par un mou­ve­ment vers l’extérieur. »

Wal­ter F. Otto
Les dieux de la Grèce. La figure du divin au miroir de l’esprit grec (Die Göt­ter Grie­chen­lands. Das Bild des Göt­tli­chen im Spie­gel des grie­chi­schen Geistes), 1929, trad. Claude-Nico­las Grim­bert, édi­tions Payot, 1993

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