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Citations sur la laideur

L’esthétique façonne l’âme et le caractère…

« On peut uti­li­ser les moyens tech­niques, les méthodes ou les modes d’organisation de l’adversaire, mais pas son esthé­tique, sauf à perdre son âme. Car l’esthétique n’est pas de l’ordre d’un simple moyen maté­riel : elle façonne l’âme et le carac­tère. À quoi bon contes­ter des idées adverses si l’on reven­dique pour soi-même les formes de lai­deur qui accom­pagnent indis­so­cia­ble­ment ces idées et sont appa­rues avec elles ? »

Thier­ry DeCruzy
Démon­dia­li­ser la musique. Une réponse au nau­frage musi­cal euro­péen, édi­tions La Nou­velle Librai­rie, coll. Iliade, 2022

Le bourgeois, rassuré, trônait, jovial…

« Main­te­nant, c’était un fait acquis. Une fois sa besogne ter­mi­née, la plèbe avait été, par mesure d’hygiène, sai­gnée à blanc ; le bour­geois, ras­su­ré, trô­nait, jovial, de par la force de son argent et la conta­gion de sa sot­tise. Le résul­tat de son avè­ne­ment avait été l’écrasement de toute intel­li­gence, la néga­tion de toute pro­bi­té, la mort de tout art, et, en effet, les artistes avi­lis s’étaient age­nouillés, et ils man­geaient, ardem­ment, de bai­sers les pieds fétides des hauts maqui­gnons et des bas satrapes dont les aumônes les fai­saient vivre !

C’était, en pein­ture, un déluge de niai­se­ries molles ; en lit­té­ra­ture, une intem­pé­rance de style plat et d’idées lâches, car il lui fal­lait de l’honnêteté au tri­po­teur d’affaires, de la ver­tu au fli­bus­tier qui pour­chas­sait une dot pour son fils et refu­sait de payer celle de sa fille ; de l’amour chaste au vol­tai­rien qui accu­sait le cler­gé de viols, et s’en allait reni­fler hypo­cri­te­ment, bête­ment, sans dépra­va­tion réelle d’art, dans les chambres troubles, l’eau grasse des cuvettes et le poivre tiède des jupes sales !

C’était le grand bagne de l’Amérique trans­por­té sur notre conti­nent ; c’était enfin, l’immense, la pro­fonde, l’incommensurable gou­ja­te­rie du finan­cier et du par­ve­nu, rayon­nant, tel qu’un abject soleil, sur la ville ido­lâtre qui éja­cu­lait, à plat ventre, d’impurs can­tiques devant le taber­nacle impie des banques ! »

Joris Karl Huysmans
À Rebours, 1884, édi­tions Gal­li­mard, 1977, coll. Folio clas­sique, 2022

L’écologie doit à tout prix comprendre une dimension esthétique…

« C’est pour­quoi l’écologie doit à tout prix com­prendre une dimen­sion esthé­tique et lut­ter contre le laid, une pol­lu­tion au moins aus­si grave que celle de l’air, de l’eau et des cieux. Aus­si, ceux qui veulent, sous pré­texte de tran­si­tion éco­lo­gique, peu­pler nos cam­pagnes d’éoliennes, se trompent lar­ge­ment : on ne pour­ra sau­ver la pla­nète en détrui­sant les paysages. »

Eugé­nie Bastié
« Pour un sou­ve­rai­nisme vert », Front Popu­laire n°1, été 2020

Le plus important est d’avoir sous nos yeux…

« Disons tout de suite, par paren­thèse, que je sais qu’il y a un pro­blème démo­gra­phique à résoudre, et qu’il faut loger les gens. Mais qu’on ne me dise pas que c’est le plus impor­tant ; le plus impor­tant est d’a­voir sous nos yeux un monde dont l’as­pect ne nous fasse pas vomir. On doit pou­voir construire de belles mai­sons. Les géné­ra­tions qui nous ont pré­cé­dés l’ont fait ; sommes-nous donc si imbé­ciles, si inca­pables, que nous ne sachions plus le faire… »

Jean Gio­no
Les ter­rasses de l’île d’Elbe, 1976, édi­tions Gal­li­mard, coll. L’I­ma­gi­naire, 2017

Cet ordre impersonnel et divin de l’univers…

« Cet ordre imper­son­nel et divin de l’univers a pour image par­mi nous la jus­tice, la véri­té, la beau­té. Rien d’inférieur à ces choses n’est digne de ser­vir d’inspiration aux hommes qui acceptent de mourir.
Au-des­sus des ins­ti­tu­tions des­ti­nées à pro­té­ger le droit, les per­sonnes, les liber­tés démo­cra­tiques, il faut en inven­ter d’autres des­ti­nées à dis­cer­ner et à abo­lir tout ce qui, dans la vie contem­po­raine, écrase les âmes sous l’injustice, le men­songe et la laideur.
Il faut les inven­ter, car elles sont incon­nues, et il est impos­sible de dou­ter qu’elles soient indispensables. »

Simone Weil
La per­sonne et le sacré, 1943, édi­tions Gal­li­mard, coll. Espoir, 1957, R&N Édi­tions, 2016

En excitant la combativité de la jeunesse…

« En exci­tant la com­ba­ti­vi­té de la jeu­nesse, on la rend plus orgueilleuse et bruyante, en la pre­nant d’une main mal­adroite, on la rend laide. La jeu­nesse à l’é­tat natu­rel est tou­jours modeste, gen­tille, recon­nais­sante pour tout ce qu’on lui accorde avec cœur, mais qui­conque se mêle d’é­du­quer sans savoir éveiller le res­pect, n’a pas à s’é­ton­ner s’il n’é­veille qu’in­so­lence et cruauté. »

Wal­ter Flex
Le pèle­rin entre deux mondes (Der Wan­de­rer zwi­schen bei­den Wel­ten), 1916, trad. Phi­lippe Marcq, édi­tions ACE, 2020

Toutefois le mal est fait…

« Tou­te­fois le mal est fait. Le pay­sage est détruit. On habite désor­mais dans un site inhar­mo­nique. Cette caco­pho­nie, si elle est insup­por­table aux âmes sen­sibles, ins­talle dans les âmes insen­sibles le besoin d’al­ler plus outre dans ces fausses voies où elles espèrent trou­ver une sorte de conten­te­ment qu’elles avaient, qu’elles n’ont plus. C’est ain­si qu’a­près toute une contrée, tout un pays peut s’en­lai­dir, et de plus en plus car, à l’o­ri­gine de cette lai­deur, il y a quel­qu’un qui pense pro­fit au lieu de pen­ser archi­tec­ture. Tout une popu­la­tion est mal à l’aise, sans savoir pourquoi. »

Jean Gio­no
La Chasse au bon­heur, édi­tions Gal­li­mard, 1988

Au moment où le fanatisme islamique détruit méthodiquement le patrimoine…

« La nature comme socle, l’excellence comme but, la beau­té comme hori­zon”.
C’est l’ultime mes­sage que nous a lais­sé Domi­nique Ven­ner et nous res­sen­tons clai­re­ment aujourd’hui l’importance que revêt le troi­sième élé­ment de ce trip­tyque fon­da­teur. Au moment où le fana­tisme isla­mique détruit métho­di­que­ment le patri­moine archéo­lo­gique et artis­tique orien­tal et où le pré­ten­du art contem­po­rain” impose par­tout sa lai­deur et ses pro­vo­ca­tions déri­soires, il est deve­nu impos­sible de faire l’économie d’une réflexion sur le rap­port que les Euro­péens ont, au fil du temps, entre­te­nu avec la beauté.
Celle des pay­sages où se mani­feste, de Delphes à Bro­cé­liande, le souffle de l’esprit, celle des sanc­tuaires où, de Véze­lay à Chartres, ils ont affir­mé leur foi, celle des palais où le beau a légi­ti­mé le pou­voir… Dans ses diverses mani­fes­ta­tions, l’art euro­péen s’est impo­sé, contre la ten­ta­tion ico­no­claste venue d’Orient, comme le reflet de la vie, comme le moyen d’exprimer la trans­cen­dance que recèle le monde. »

Phi­lippe Conrad
La beau­té comme hori­zon, allo­cu­tion au deuxième col­loque de l’Ins­ti­tut Iliade, Paris, Mai­son de la Chi­mie, 25 avril 2015

Le sens esthétique et le sens moral sont manifestement étroitement liés…

« Le sens esthé­tique et le sens moral sont mani­fes­te­ment étroi­te­ment liés. […] La beau­té de la nature et la beau­té de l’environnement cultu­rel, créé par l’homme, sont cha­cune néces­saire à la san­té morale et spi­ri­tuelle de l’être humain. Cet aveu­gle­ment total de l’âme pour tout ce qui est beau, que l’on voit se pro­pa­ger par­tout de nos jours, avec une telle rapi­di­té, est une mala­die men­tale qu’il faut prendre au sérieux, ne serait-ce que parce qu’elle va de pair avec l’insensibilité envers ce qui est le plus répré­hen­sible moralement. »

Kon­rad Lorenz
Les huit péchés capi­taux de notre civi­li­sa­tion (Die acht Tod­sün­den der zivi­li­sier­ten Men­sch­heit), 1973, édi­tions Flam­ma­rion, 1992

Tout homme est désormais un « porc » en puissance…

« L’introduction des concepts de gros­so­pho­bie, de vali­disme (qui serait un rejet des per­sonnes han­di­ca­pées ou non valides) ou encore de spé­cisme (qui dénonce la supé­rio­ri­té de l’homme sur l’animal) pour­rait de prime abord faire sou­rire, mais ce serait oublier les ligues de ver­tu qui com­mencent déjà à vou­loir faire recon­naître et sanc­tion­ner ces racismes” sur le plan juri­dique. La gros­so­pho­bie” – mot entré au dic­tion­naire en mai 2018 – a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une cam­pagne offi­cielle de sen­si­bi­li­sa­tion par la Mai­rie de Paris. Au final, on remarque que le féti­chisme de la non-dis­cri­mi­na­tion est for­te­ment empreint d’une sorte de mar­xisme cultu­rel qui tend à ana­ly­ser sys­té­ma­ti­que­ment les rap­ports humains ou sociaux en termes de domi­nants-domi­nés ou de bour­reaux-vic­times et qui sou­tient que l’Occident serait essen­tiel­le­ment défi­ni par une struc­ture patriar­cale, homo­phobe, raciste et sexiste qu’il fau­drait faire tom­ber urgem­ment. Toute dif­fé­rence consi­dé­rée, à tort ou à rai­son, comme supé­rieure est dès lors oppres­sante” et doit être gom­mée. Tout homme est désor­mais un porc” en puis­sance, un Blanc est néces­sai­re­ment un colo­ni­sa­teur escla­va­giste”, émettre un juge­ment de pré­fé­rence esthé­tique sur la min­ceur d’une femme devient gros­so­phobe”, etc. La hié­rar­chie, l’élitisme ou encore la recherche du Beau et du Bien sont balayés par cette tyran­nie de la fai­blesse où la vic­time est glo­ri­fiée (on lui donne même la Légion d’honneur) et où le beau et le fort deviennent d’insupportables oppresseurs. »

Thi­bault Mercier
Athé­na à la borne. Dis­cri­mi­ner ou dis­pa­raître ?, Pierre-Guillaume de Roux édi­teur, 2019

La ruée des peuples vers le laid…

« La ruée des peuples vers le laid fut le prin­ci­pal phé­no­mène de la mon­dia­li­sa­tion. Pour s’en convaincre il suf­fit de cir­cu­ler dans une ville chi­noise, d’observer les nou­veaux codes de La Poste fran­çaise ou la tenue des tou­ristes. Le mau­vais goût est le déno­mi­na­teur com­mun de l’humanité. »

Syl­vain Tesson
Dans les forêts de Sibé­rie, édi­tions Gal­li­mard, 2011

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